Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 15:50

Un Hiver à consoler


Novembre.
Le jour où la mort fête les siens.
Cette année là, l’hiver était en avance. Et devant l’insistance presque guerrière de celui-ci à se mettre en place, l’automne lui cédât le pas. Sans combattre…

C’est ce jour là, qu'elle vint au monde, avec un mois de retard. Au premier cri qu’elle accepta, après plusieurs tentatives de tout le corps médical, d’émettre… tout le quartier fut plongé dans l’obscurité. Dans la clinique, le générateur prit le relais. Et alors que tout semblait rentrer dans l’ordre, toutes les fenêtres de l’étage s’ouvrirent brusquement. D’un seul mouvement. Un tourbillon de vent glacé pénétra instantanément dans la salle de travail. Portant l’hiver en son sein. Mais personne ne vit ce qu’il se passa alors.

L’hiver se figea devant le nourrisson et…
Tomba éperdument amoureux.


Tout l’étage était en effervescence. Ils couraient tous, en tout sens, pour clore les fenêtres. Tous étaient frigorifiés. Tous sauf… le nouveau né. Il ne pleurait plus. Il semblait ailleurs, presque en transe. Paisible. Le vent glacé l’enveloppait. Pourtant... il ne l’atteignait pas. Au contraire. Il semblait dans son élément. Aucun membre du personnel soignant ne comprenait ce qu’il se passait. Dès que l’un deux prenait le nourrisson dans ses bras, il se mettait à hurler. Et dès que l’on ne s’en préoccupait plus, il redevenait calme. L’on essaya de poser la petite fille sur le corps de la mère. Les hurlements qu’elle poussa étaient si effrayants que la mère la repoussa dans les bras du père. Mais rien ne changea. On la déposa alors dans son berceau.

L’hiver était en extase.
L’enfant lui appartenait.
Il parcourait son corps de ses doigts venteux. S’immisçant dans ses veines. Il se sentait vivre. Comme jamais. Dans chacun de ses battements de cœur. « Elle est à moi… à moi. » Mais il savait, qu’elle était trop jeune pour le contenir. Elle ne survivrait jamais, s’il prenait possession de son corps si tôt. Alors, il la quittât…


Elle réclama aussitôt l’attention de sa mère.
La sage-femme, bouleversée et un peu effrayée par tout ce qui venait de se passer, s’empressa de la lui remettre.
On dit que les parents furent, dès lors, comblés.
(Mais... rien n'est moins sûr.)
La mère encore sous le choc du rejet de sa progéniture, n’était pas à l’aise avec cette petite fille au regard perçant. Elle l’aimait, certainement. Mais elle savait que quelque chose s’était passé. Elle avait cette impression sourde qu’elle perdait sa fille. À la minute où le vent avait sifflé à ses oreilles, où le froid avait transi son corps, elle avait senti le monde basculer. En une fraction de seconde, une toute petite, une minuscule seconde, elle avait su que sa fille n’était plus à elle. Ainsi, elle commença à se détacher de cette inconnue gisant sur son ventre.

L’hiver, qui ne savait comment rester au plus près de sa chose, cherchait un moyen pour être présent dans sa vie. C’est à ce moment là qu’il pris conscience de la présence du père. Tout s’éclaira.
Il prit possession du géniteur, de son corps. De son âme. De son esprit. Et son regard devint dur et froid. Sans vie. Sa femme ne l’intéressait plus. Si ce n’est la petite fille, là, sur le ventre créateur.
L’hiver était au plus près de l’être qu’il chérissait par-dessus tout. En toute légitimité. Désormais elle lui appartenait corps et âme. Il avait tous les droits. L’extase qu’il avait ressentit un peu plus tôt n’était rien en comparaison de l’émotion qui le saisit… maintenant, elle est vraiment à moi !
Aussitôt que l’hiver trouva son nouveau contenant sa « chose » se remit à hurler…


Elle se calma dans les bras paternel.
L’heureux papa était au petit soin pour sa fille. Il chercha un prénom. Il décida de la nommer Elle, en souvenir de sa jeune sœur, morte à l’âge de douze ans. D’une leucémie.
Dans la famille, nombreuse, une légende circulait ; l’on disait que, Elle, était née le jour des morts, qu’elle portait le nom d’une morte, on l'a surnommait Squelettor… (Elle s'écroula sous le cercueil des Mots...). La mort fût donc son repaire... inévitablement...
Car, quiconque s’approchait de trop près de Elle prenait le risque d’affronter la fureur du « Père ». Elle était sa poupée. Son jouet. Une petite femme dans son monde. Sa possession. Rien de plus, rien de moins, qu’une image, très belle, à exhiber.

Plus, Elle, se rapprochait de son père plus sa mère s’éloignait. Les années passèrent ainsi. Elle ne regardait plus sa fille, ne l’entendait plus. Elle devint si jalouse de la place de Elle dans la vie de son mari qu’elle se mit à prier pour obtenir sa mort (et elle fût complice du meurtre). Car, comme elle s'éloignait de sa fille, son mari, lui, s’éloignait d’elle.
Elle, souffrait… elle ne comprenait pas pourquoi cet éloignement. L’amour de son père était si farouche, si pesant. Et l’amour de sa mère si… défaillant.

Elle, avait des absences. Tout les matins, elle voyait sa mère s’éloigner de son champ de vision. Elle gardait le souvenir de supplique à l’encontre de sa mère… maman, maman ne me laisse pas, le Loup m’attend… de son refus de l’emmener avec elle au marché du coin. Mais elle restait seule dans l’immense couloir de la peur qui lui terrassait le cœur. Le Loup était là, invariablement. Puis tout devenait flou… si bien qu’à l’âge adulte elle perdit tout souvenir de son enfance…

Si ce n’est la peur, omniprésente, dans chacun de ses gestes. Le sang qui maculait les murs de sa chambre, du lit monstrueux. L’absence d’un réconfort. La solitude au milieu des siens. Seule, étrangère, coupable du naufrage familial. Sans jamais savoir de quoi il retournait…

Car l’hiver, par une belle journée d’été, mis son plan à exécution. Il prit possession de sa « chose »alors qu’elle allait vers ses dix printemps (peut-être moins)…

 

Saphariel

commentaires

N
Ma toute belle amie, quel récit troublant … Je l'ai lu et relu et je m'en suis immergée. Un froid glacial a parcouru mes veines. Petite fille sans réconfort, souffrant de solitude ... Petite fille<br /> coupable, étrangère … Abandonnée par une mère qui a tourné le regard, mal aimée par un père aux crocs de loup … On voudrait tendre la main à cette enfant des neiges, la consoler très fort …<br /> Tu es belle ma sœur d'âme<br /> Nad xxx
Répondre

L'amarrée Des Mots

  • : L'amarrée des mots
  • : « Si ce que tu dis n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi... » - Eric-Emmanuel Schmitt
  • Contact

En ce moment je lis...

 

Rechercher