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13 juillet 2017 4 13 /07 /juillet /2017 12:57

 

 

« Rien ne vaut la peine d’être vécu qui n’est pas d’abord une œuvre d’imagination ou alors la mer ne serait plus que de l’eau salée… » - Romain Gary (citation en début de roman)

 

******************

 

« Le vernis de l’enfance s’étiolait doucement, craquait de partout, me laissait voir, derrière sa lumière aveuglante, les filaments de ténèbres qu’elle s’applique tant à cacher. »

 

Des lustres que je n’avais pas croisé un personnage aussi attachant que celui de la petite Hélène, 10 ans, en l’occurrence la narratrice – mais comme elle se prend pour un garçon, elle apprécierait que vous l’appeliez Joe. Chaque jour, au retour de l’école, elle amarre son destin à celui de Lady Oscar, dans un dessin animé japonais présenté à Canal Famille. Miss Oscar est son héroïne, jeune fille aux allures garçonnes, un certain capitaine de la garde rapprochée de Marie-Antoinette. Elles ne formeront qu’une, liées par l’unicité théâtrale de leur caractère. Petits bouts de femmes explosives dans des corps de jeunes filles, grandies trop vite, têtues, indociles et sans demi-mesure, elles donneront sens à leur vie dans les souffrances et le labeur, une façon d’échapper à « l’insignifiance de la vie ». Une manière de se débattre en eaux troubles et sortir la tête de l’eau. Rescapées au seuil de la vie, mais avant tout fortes et courageuses, nageant dans des vagues d’émotions contradictoires. Fuguer dans la seule intention qu’on nous retienne. Et au final, revenir à l’essentiel...

 

« J’étais handicapée d’une hypersensibilité qui me volait toute forme de salutaire insouciance. »

 

Ma petite Hélène vit avec ses parents et ses trois sœurs dans un quartier pauvre de Limoilou. P’tit quotidien, p’tite vie, p’tite misère mais bonheur fragile, elle est dotée d’un sens de l’humour et d’une capacité d’autodérision incroyable, marquant sa maturité précoce. Elle a du mordant, du chien, de la répartie, ses répliques sont cinglantes, je l’adore! Et qu’est-ce qu’elle est drôle! Camelot à ses heures et serveuse dans un bingo, elle s’est donnée la mission de subvenir aux besoins de sa famille. À 10 ans...  

 

Affalé sur sa chaise de faux cuir du stationnement du logement d’à côté, Roger boit sa bière. Sa p'tite bière frette. Mon héroïne se liera d’amitié avec lui. Fraîchement sorti de Robert-Giffard où il a passé 30 ans de sa vie – un institut psychiatrique de Québec – il est le portrait type du rescapé de la vague de désinstitutionalisation des années soixante. On fout tout le monde dehors pour « faire de la place ».  

 

« …va juste falloir qu’il se calme un peu, qu’il diminue la bière, la cigarette… Mais ça, c’est pas la première fois qu’on y dit, hein Roger?

-J’vas pas rien slaquer pantoute, maudit Saint-Ciboire, j’sus déménagé icitte pour être plus proche du dépanneur. »

 

Une majorité de ces hommes et femmes, souffrants de graves problèmes de santé mentale, se sont retrouvés soit en prison pour délits, soit dans la rue, marginalisés par l’itinérance. Les plus chanceux, comme Roger, vivent dans un deux et demi aux murs jaunis qui sentent la viande passée date et la fumée de cigarettes. Comme Roger, ils n’ont qu’à s’allonger le bras juste assez loin pour atteindre la caisse d’O’Keefe. Chemise à carreaux, bas blancs aux genoux dans des sandales brunes de chez Rossy, il sacre à coups de tabarnak de crisse et de câlisse de St-Ciboire. Je suis certaine qu’un Bison l’a adoré... Mais comment ne pas l'aimer ce Roger! :P  

 

« T’aurais dû m’amener de la bière, une bonne tite bière frette »

 

« Tu m’niaises-tu, toé là? »

 

Comme je suis heureuse d’avoir enfin découvert la plume de Marie-Renée Lavoie! Cette auteure est pleine de talent et ses mots sont colorés aux accents du pays. Bison a partagé cette lecture avec moi, entre deux guimauves au sirop d'érable et un feu de camp qui crépite dans la nuit étoilée :D

J’ai adoré la diversité des personnages, des êtres aussi marginaux qu’inoubliables, à commencer par Roger et Hélène, Badaboum, la vieille femme d’à côté, la Corbeau, stéréotype de la vieille sorcière exécrable…  

 

La petite et le vieux c’est le regard d’une enfant sur le monde des adultes, ses questionnements sur la médiocrité. C’est un portrait de société vivant et débridé, authentique surtout et tellement réaliste. C’est une série de clins d’œil au Québec de toujours, Les 1oo Tours de Centour, une tranche de céleri tartinée au Cheez Whiz, le dépanneur du coin et un sandwich à la crème glacée (et oui...!). Ce sont des questionnements sur le deuil et la mort, sans aucun pathétisme. C’est un roman que l’on devrait lire...

 

« Les clichés les plus éculés, comme les plus irréductibles maladies, traversent sans ambages le temps et les générations ; pendant ce temps, les plus beaux poèmes s’étiolent dans l’oubli. »

 

Un p'tit sandwich à la crème glacée mon Bison? ^^

 

Les avis de A girl from earth et Aifelle

 

 

21 décembre 2016 3 21 /12 /décembre /2016 00:23

 

 

« Ferland oscille entre le silence et le hurlement, la canicule et le zéro absolu; c’est une terre où rodent des dieux plus anciens que le Gars des vues, un repaire de flibustiers imaginaires et de géants sylvestres, une parabole frissonnante de la création du monde, une enclave où les conteurs sont meilleurs qu’à la télé. En hiver, la baie est un désert cryogénique…»

 

Les pages de cette histoire défilent quelque part entre Villeneuve et Ferland, deux villages québécois situés aux abords du fleuve Mistassini. Esseulée, la mer est partout. Agitée par les souvenirs de ceux qui s’y sont à jamais endormis...

 

« Ma mère est ce jardin de givre, cet étang gisant au nord de toute Norvège, et rien ne laisse prévoir un prochain dégel. »

 

C’était un jour de février, de ces journées de froid extrême avec de la poudrerie et des rafales de vents sibériens à désosser les bœufs. La neige était belle, poétique, une invitation à parcourir les grands espaces, sans ne jamais s’arrêter, ni même se retourner. Dans toute cette blancheur, ils ne l’ont jamais vu arriver. Ils longeaient le rail du chemin de fer quand leur motoneige a fait des tonneaux après avoir été happée de plein fouet par le train. L’homme est mort sur le coup. La mère repose dans le coma, « dans un arctique plus lointain que le pôle ». Le narrateur, un tout jeune garçon, nous raconte son histoire. Comment il a survécu…

 

Depuis l’accident, il habite avec ses grands-parents, qui lui offrent la tendresse et l’amour. Ses nuits sont hantées de terreurs nocturnes, mais il arrive à s’en échapper en trouvant refuge dans les livres. Jusqu’au jour où il aperçoit un garçon sur la plage, qui deviendra son ami. Auprès de lui, il se sentira moins seul, car Luc a aussi une mère partie vers le large, elle s’est noyée dans la baie.

 

« …un pacte de silence, un contrat viril par lequel nous convenons d’éviter tout sujet délicat ou gênant. Contrairement aux harengs de Luc, nous garderons nos tripes au chaud. Nous serons burinés et purs, cousus de mystère. »

 

Luc est un jeune naufragé. Il vit dans une vieille roulotte jaune en plein milieu d’une cour désaffectée, c’est sa tanière, petit cocon sécurisant qui le tient à l’abri du pire. Son père est une brute, on le pendrait par les couilles. Il rentre saoul de la taverne au petit matin - quand il rentre – le frappe, l’abandonne à son sort, le ventre creux. Alors chaque jour, Luc ratisse la plage avec son sac poubelle à la recherche de bouteilles vides. Quand il aura assez d’argent, il s’achètera une combinaison de plongée et un scaphandre. Le petit veut retrouver sa mère emportée par les eaux. Il dialogue avec les vagues, une façon de se sentir plus près d’elle.

 

« J’aime voir l’horizon s’atomiser quand l’enjambe un soleil flambant neuf, tout fier de renaître encore au terme du ténébreux périple. »

 

Dans une sorte d’alcôve au fond d’une grotte, repose une bête, un iguane. Il a trouvé ce repère par hasard, en marchant dans l’anse aux Zouaves. Avec le jeune garçon, ils s’y rendront souvent. Le lieu est magique et on s’y sent libre. On est à l’abri de toutes choses…

 

Ceux qui me connaissent savent qu’il ne me fallait pas plus qu’une histoire de mer et d’enfance pour être séduite. Denis Thériault aborde la perte et le deuil. Le courage aussi, les petits et grands miracles de la vie, que l’on nomme communément le destin. Quand deux enfants unissent leur peine, ils en ressortent plus forts. Plus forts de leur souffrance commune et d’une amitié qui s’est scellée au contact de l’épreuve. La solidarité est un rempart étanche, ni les hommes ni même leur cruauté n’arriveront à le franchir. L’enfance est peuplée d’imaginaire. Dans ce monde qui oscille entre le rêve et la réalité, l’image d’un iguane arriverait, à elle seule, à venir à bout des douleurs les plus atroces. Ce roman est une fenêtre sur l’enfance, fait de métaphores aussi belles que douces. Elles invitent à la réflexion et pénètrent l’âme. Je l’ai déposé à jamais sur mon cœur…

 

« Au fond, ça fait mon affaire, cette agitation, ces levers précoces. Ça écarte la nuit et ses gelées de frousse. Ça permet de déguster chaque matin de mai, de boire au bec cette clarté spéciale qu’il y a aux franges du ciel très tôt, le printemps. »

28 septembre 2016 3 28 /09 /septembre /2016 19:45

 

 

« On ne peut rien savoir d’un vieillard si on ne va pas à ses yeux, ce sont eux qui détiennent l’histoire de sa vie. »

 

Trois vieillards épris de liberté, Ted, Charlie et Tom, fuient le monde des vivants et choisissent de s’isoler en forêt. Ils ont chacun une cabane face au lac et vivent de chasse, de pêche, d’ours et de maringouins, mais avant tout, ils vivent dans ce lieu où les jours sont propices à la lenteur et l'errance. Dans ce coin reculé de l’Ontario (profond), la chaleur du poêle à bois suffit à peine pour survivre aux hivers par moins 50. Le confort est minimal mais ils y gagnent le luxe de l’isolement serein.     

 

Leur touchante histoire, romancée mais plausible, s’inscrit dans le contexte historique des Grands Feux qui ont ravagé le nord de l’Ontario au début des années 1900 - Matheson, Timmins, Cochrane, Haileybury… - une tragédie apocalyptique à jamais ancrée dans la mémoire collective des survivants. Aux trois hommes viendra s’ajouter Marie-Desneige, 82 ans, la petite jeunesse du groupe. Minuscule bout de femme, en cavale avec de faux papiers, qui aura passé soixante-six ans de sa vie dans un institut psychiatrique en banlieue de Toronto. Presque cent ans plus tard, une photographe débarque sur les lieux dans le but de recueillir le récit des quelques survivants, s’il en reste, ou de leurs témoins. Elle s’accrochera avec émotions à ces vies racontées. Celle de Ted, l’enfant de quatorze ans qui a marché durant des jours dans les décombres fumants, ses parents, frères et sœurs morts asphyxiés dans un caveau à légumes. Du ciel, ce jour-là, il pleuvait des oiseaux…

 

Magnifique roman sur le courage, autant celui de choisir sa vie que de se reconstruire. Sur les traces du passé qui hantent le présent de souvenirs imprégnés dans la chair. C’est un roman qui défie les âges, un amour naissant et des caresses pour deux vieilles personnes attachantes qui ont choisi de vivre avant de mourir - faire l’amour pas la guerre. L’histoire n’est pas dépourvue de cet humour noir dont Tom et Charlie usent avec délice. Entre deux cabanes poussent des plants de marijuana, c’est tout dire. Le portrait des soins psychiatriques du début du siècle dernier, où on incarcérait à peu près n’importe qui pour n’importe quoi est bien représenté. L’histoire de Marie Desneige me rappelle celle de Camille Claudel… C’est un roman sur la vieillesse, l’appréhension de la mort et le suicide. De vies pleinement vécues jusqu’au dernier souffle.  

 

Depuis sa sortie en 2011 que j’ai envie de lire ce roman que tout le monde sauf moi semblait déjà avoir lu au Québec ! Une histoire que je ne suis pas prête d’oublier…

 

« J’aime les histoires, j’aime qu’on me raconte une vie depuis ses débuts, toutes les circonvolutions et tous les soubresauts dans les profondeurs du temps qui font qu’une personne se retrouve soixante ans, quatre-vingt ans plus tard avec ce regard, ces mains, cette façon de vous dire que la vie a été bonne ou mauvaise. »

 

L'avis de Didi

Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier
7 septembre 2016 3 07 /09 /septembre /2016 17:19
Sous le ciel à Paris - Stéphanie Perreault et D. Simon

Il faisait froid sur les trottoirs de Paris ce soir-là. Quand Jacky a croisé le regard de Louis, elle lui a proposé de monter pour se réchauffer. Pas de cash, gratis, juste pour avoir plus chaud. Il passe son chemin, intrigué. Elle n’avait pas l’air d’une pute… 16 ans, tout au plus, plutôt perdue, mystérieuse avec sa petite casquette de velours rouge. On aurait dit un Coquelicot…   

 

Louis ne s’était pas trompé. Car Jacky n’était pas vraiment une fille de la rue. C’est son petit copain José qui l’a balancée sur les trottoirs des quartiers sombres, où la vie se paye à grands coups d’ecchymoses sur le cœur, de désillusions en désabusements. Tu vis ou tu crèves. Si elle ne ramène pas d’argent pour payer le loyer, au mieux elle se fera engueuler, mais d’habitude il ne lésine pas sur les coups. Avec la « mine d’or sous sa minijupe », elle n’a qu’à faire semblant, c’est trop lui demander ou quoi ? Juste pour un temps, rien que pour essayer…

 

« -T’es malade ? Me faire baiser par n’importe qui ! Pour du fric !

-Oui ! Je sais ! Dis comme ça, c’est brutal. Mais si tu réfléchis… Tu montes avec un type, il te file du fric, il fait ce qu’il a à faire… Et tu redescends. Ça dure pas un quart d’heure. Tu sais combien elles se font, les filles? Certaines ramassent plus d’une brique, des fois deux… Bien sûr, elles font ça à plein temps, mais toi, t’es pas obligée. Quand tu auras assez pour payer le loyer, tu t’arrêtes… »

 

SDF, il vit au crochet des filles qu’il baise. En gros, il se fait entretenir. Logé, nourri, en claquant la porte il ne manque pas de leur piquer leur argent. Jacky n’a connu que le mépris des hommes. Elle n’a pas encore conscience que la vie peut être autrement. Avant José, il y a eu Farid. Il avait l’air gentil, attentionné, différent des autres. Jusqu’à ce qu’il la viole. Quelle importance de savoir si elle en avait envie ou non. Puis elle n’aurait même pas eu la force de l’en empêcher. Elle s’en souvient encore. La douleur a laissé des traces ineffables. Celles du dégoût…

 

« …des filles, des… des putes… Il y en aura, dans ton livre ? Il n’y en a jamais, dans les bouquins. On dirait qu’elles font peur. C’est pas toutes des mauvaises filles, tu sais. Tu pourrais leur faire une petite place, juste une petite page… Histoire de dire qu’elles ne te dégoûtent pas…

-Mais où vas-tu chercher ça ? Bien sûr qu’elles seront dans mon livre… Me dégoûter ! Quelle idée !

-Tu ferais l’amour avec une pute ? Je veux dire, pas comme client… Comme…, comme un homme…

-Si j’en avais envie, oui.

-Tu ferais l’amour avec moi ?

-Avec toi, Coquelicot ?

-Oui, avec moi !

-Avec Casquette ou Jacky, je ne pense pas. Mais avec Jacqueline ou Coquelicot, sûrement… » 

 

Au début, c’est déstabilisant quand on n’a pas connu la douceur d’un homme. Le bonheur nous effraie. Prêt à rompre, on le sent filer entre nos doigts. La peur s’installe, celle du refrain maintes fois entendu. Et un jour, sans même s’y attendre, on lâche prise. C’est dans la complicité et le respect que Jacky a réappris à vivre. Dans les gestes d’amour de Louis, elle a compris qu’il n’était pas nécessaire de tout accepter pour se faire aimer. Elle a repris le contrôle de sa vie en revêtant le quotidien de gestes spontanés et libres. Oui, c’est ça. Jacky est maintenant libre. Mais dans la liberté de l’amour, il y a aussi la souffrance et le deuil.     

 

Mourir par amour. Mourir d’amour. Mourir tout court…

 

Je voudrais remercier l’auteure québécoise Stéphanie Perreault de m’avoir fait parvenir son roman. Jacky est une jeune femme pleine de courage, un personnage qui ne s’oublie pas. Dans les recoins de ma mémoire, il y aura toujours une pensée pour elle…

 

Pour visiter le site de l’auteure, c’est ICI

Et pour se procurer le roman,

5 avril 2016 2 05 /04 /avril /2016 00:30
Fleur de cerisier Vol 459 - Aline Apostolska

«  Le 24 juin, le vol 459 en partance de Paris s’est abîmé en mer. C’est la proposition de laquelle sont partis quatre auteurs québécois de talent pour imaginer des histoires haletantes, touchantes, intrigantes. »

 

Voici celle d’Aline Apostolska

 

****************

 

« On finit toujours par ressembler aux gens qu’on aime, surtout quand on a librement choisi cet amour. »

 

« Anh Dao » : Fleur de cerisier. C’est le prénom de ma mère…

 

Mark-Chung Nguyen avait 4 mois quand sa mère de 15 ans, Anh Dao, l’a déposé dans les bras de Tiên et Van Kim, faisant d’eux ses parents d’adoption. Ils se trouvaient alors aux Philippines, dans le camp de réfugiés de Subic Bay et s’apprêtaient à traverser les eaux agitées du Pacifique vers la base de Darwin, en Australie. Un enfer qui dura plus de 60 heures, sans boire ni manger. C’était le 22 octobre 1975. Van Kim travaillait alors comme commandant de la marine sud-vietnamienne. À 21 ans, en 1964, l’Armée de la République du Viet Nam lui avait alors confié une importante mission : se battre contre le Viêt công communiste du Nord. Jamais il ne se sera remis d’avoir eu à abandonner son engagement. De l’Australie, il fut accueilli à Montréal avec sa femme et ses trois fils, dont le petit de quatre mois. Mark-Chung est un enfant de la guerre du Viêt Nam. Est-ce que cette période sombre de l’histoire a pu laisser en lui, à un si jeune âge, des stigmates de l’horreur?

 

« Le passé est comme une lame de fond prête à vous noyer. »

 

Alors que sa mère d’adoption vient de mourir et que sa femme est enceinte, Mark cherche à faire la lumière sur son passé. En allant fouiller dans ses origines, il bouscule la tranquillité de son quotidien. En est-il plus heureux? Quelle sera l’ampleur des déceptions? Des blessures profondes? Des joies trop grandes dont il sera beaucoup trop tard pour pouvoir en jouir? Mark a reçu le plus beau cadeau de la vie, celui d’avoir été « choisi et aimé » de ses parents. Il en est profondément reconnaissant. Malgré les gènes, il est celui qui leur ressemble le plus. Docteur en physique nucléaire à McGill, les découvertes des derniers mois viendront remettre sa vie en question. Comment peut-on concevoir de donner la vie alors que son travail l’amène à « fabriquer la  mort »?

 

 « Aussi douloureuse et perturbante qu’elle soit, cette plongée dans mon histoire… s’avère nécessaire. »

 

L’histoire se déroule entre Boston et Ho Chi Minh-Ville, Los Angeles et Montréal. Le 24 juin, alors qu’il fête son trente-huitième anniversaire, Mark est à l’aéroport Trudeau de Montréal. Il attend une passagère du vol 459 en partance de Paris. Lorsque l’avion s’abîme en mer, elle emporte dans ses flots un lourd secret. Il avait rendez-vous avec son histoire...

 

« À trop se retourner, on risque la chute. »

 

Je ne m’attendais pas à être happée à ce point par ce livre, quel coup de cœur! Aline Apostolska, québécoise d’origine macédonienne, a comblé plus que mes attentes avec son roman appartenant à la série de quatre tomes du « Vol 459 ». Elle parle avec poésie du lien et du lieu d’appartenance, de l’identité, du destin, de la paternité, de la nostalgie et de tant d’autres sujets. L’intrigue est e-x-c-e-l-l-e-n-t-e. Le dénouement amené avec brio. Cette histoire d’une grande sensibilité m’a tenue en haleine jusqu’à la fin. Un court roman que j’ai lu d’une traite sans ne pouvoir m’arrêter. Il faut ABSOLUMENT que je découvre d’autres de ses romans!

 

« Mon père est un chêne. Il a conduit sa vie comme il a dirigé ses navires, sans jamais ployer devant les ennemis ou les aléas de la vie. Si j’avais dû choisir un père, c’est lui que j’aurai choisi. La paternité a cela d’unique qu’elle est un choix. Le père est celui qui reconnaît un enfant comme le sien, qu’il en soit ou non le géniteur. »

 

Pour lire mon avis sur « S.A.S.H.A., vol 459 » de Martin Michaud c’est ICI

 

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« Anh Dao » : Fleur de cerisier.

Parce que l’amour du cœur est le plus fort…

 

Merci à mon sweet manU pour la superbe photo :-*

Fleur de cerisier Vol 459 - Aline Apostolska
Fleur de cerisier Vol 459 - Aline Apostolska
1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 23:16
Ceux qui restent - Marie Laberge

« Pour le reste, laissez faire la vie.

Croyez-moi, la vie a toujours raison. » 

Rainer Maria Rilke (Lettres à un jeune poète)

 

« Je ne crois pas qu’on refuse ou qu’on accepte de vivre. Je crois que certaines circonstances alliées à un état d’esprit spécifique conduisent à des gestes définitifs… qui, à ce moment-là, ont l’air d’une solution. »

 

Il y a des auteurs comme ça dont on ne rate la sortie d’aucun roman, et c’est le cas avec Marie Laberge, mon auteure québécoise culte. Elle arrive plus que n’importe qui à s’immerger dans les profondeurs de l’âme humaine. Si le deuil est un sujet qu’elle a souvent abordé, pour la première fois elle se tourne vers Ceux qui restent, ces personnes qui ont à survivre au suicide d’un proche. 

 

« Se tuer, c’est passer son bill à ceux qui restent.

Pis y a pas un crisse de procès qui peut te permettre de pas le payer. »

 

Un 26 avril, Sylvain s’est pendu dans la maison de campagne de son enfance. C’est sa mère qui l’a trouvé en entrant, il n’avait laissé aucun message pour expliquer son geste. Personne n’arrivera jamais à comprendre et tout le monde cherchera à expliquer, à sa manière. Le suicide condamne les survivants, existe-t-il même un geste plus violent ? Une chose est certaine, dans la douleur, on recherche tous une issue de secours.   

 

« Les suicidées, y nous refilent le problème. Y nous disent : « Regarde : moi, je sacre mon camp. V’là mes hosties de problèmes, arrange-toi avec ! »

 

Après 500 pages je me retrouve à bout de souffle. Je ne suis pas écoeurée, ni même alourdie de sentiments noirs suite à la lecture de son roman. Au contraire, plus que jamais je me demande où cette femme va puiser ses mots pour nous les rendre avec autant de finesse. Elle décortique l’âme au scalpel, l’analyse, établit des liens entre les failles jusqu’à la reconstruction et surtout, elle éveille en nous le doute, celui nécessaire aux questionnements. Je ne suis jamais arrivée à lire un de ses romans d’une traite. Ses livres se savourent. On lit, on s’y accroche, on s’arrête, on se questionne, puis on les reprend. Avant tout, on grandit! C’est ainsi qu’elle nous captive, nous émerveille…

  

Les chapitres de son roman sont divisés selon la personne s’adressant à Sylvain, ses parents, sa femme, son fils, sa maîtresse, son beau-père, etc. Chacun s’ouvrira sur ses incompréhensions, sur sa part de culpabilité. On se jettera le blâme en pleine face. Et si la faute revenait à cette mère envahissante, voire étouffante? On se remettra en question. Comment ne pas avoir perçu aucun signe avant-coureur dans ses gestes, ses attitudes, sa dépression? On se sentira impuissant, étranglé par la révolte, la colère, le remord, l’amertume, autant de sentiments normaux quand on affronte un deuil. Les parents de Sylvain se sont séparés, leur couple n’a pas survécu à la mort de leur fils. La violence d’un suicide est presqu’insurmontable pour Ceux qui restent. On se demande s’il n’est pas même égoïste de s’enlever la vie…

 

Marie Laberge dresse ici, à travers un événement x, un portrait de famille somme toute banal. Banal en ce sens qu’on pourrait tous quelque part s’y retrouver entre les querelles, les infidélités, les souffrances, les secrets ou les pardons des uns et des autres. Les histoires familiales sont en soi complexes. Je sors de cette lecture avec une seule envie, lui dire merci. Merci de leur rendre un si touchant hommage...

 

« Tout est devenu noir. J’ai défoncé le mur du garage avec mes poings. J’étais tellement sonné, tellement étranglé de révolte, d’impuissance que j’ai fessé jusqu’à avoir les mains en sang. Ça fait mal, et ça ne soulage pas. Le temps fait une sorte de ménage dans les souvenirs… on arrange sa vie pour avoir un peu d’anesthésie. »

Ceux qui restent - Marie Laberge
Ceux qui restent - Marie Laberge
9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 01:09
Il ne faut pas parler dans l'ascenseur - Martin Michaud

« Je me suis posé la question dès ma toute première montée : pourquoi personne ne parle dans un ascenseur? »

 

…« Quand il se sent piégé, l’homme se replie sur lui-même »

 

Après avoir été séduite par S.A.S.H.A., vol 459, mon premier rendez-vous avec l’auteur, je me retrouve maintenant, par l’entremise de ce deuxième thriller psychologique, à passer mes journées – et quelques nuits blanches d’une enquête sordide – avec l’inspecteur Victor Lessard, enquêteur à la ville de Montréal. Il faut se le dire, le gars manque nettement de nuance, pour ne pas dire de délicatesse, il est rustre, cru, sec, aussi tranchant qu’une arme blanche. Mais moi il me plaît bien ce Lessard. Il met du piquant dans mon quotidien, cette petite touche épicée dans la douceur d’un bol de crème glacée au sirop d’érable. Mais là je m’égare… :D   

 

C’est donc l’histoire de Simone, designer Web chez Dinar Communications, une agence de pub. Hasard ou force du destin, au moment où elle sort du boulot, ce jour-là, une berline noire fonce à toute allure et la happe violemment. Elle passe vingt-quatre heures dans le coma. Qu’est-ce qui peut bien se passer dans l’autre monde et qui s’incruste si solidement à la chair qu’on se trouve changé lorsqu’on en revient?  

 

Suite de l’interrogatoire… Prenez votre temps Simone, essayez de nous parlez de Miles. Vous le connaissez depuis longtemps? Merde, c’est le fruit de votre imagination ou quoi? Hallucinations? Folie? Reprenons à zéro, comment se fait-il que les lieux autour de vous aient subi autant de transformations? Au fait vous l’avez rencontré où ce Miles? Vous cherchez à prendre la fuite d’un événement traumatisant ou quoi?

 

« Mes idées se bousculaient. Je me sentais prisonnière d’un monde où la réalité et mes hallucinations s’affrontaient, avec mon cerveau et ma santé mentale comme champ de bataille. »

 

C’est bien ce que je disais! Je me retrouve après ce deuxième rendez-vous avec Martin Michaud à me dire à quel point l’auteur arrive à me séduire avec son sens de l’analyse et sa fine psychologie. Sa plume est incisive et laisse une trace nette sur la chair de l’âme, qu’il manipule malgré nous avec tellement de soin qu’il arriverait à en convaincre le plus sceptique d’entre nous. Les mystères entourant la psyché humaine et les limites de la santé mentale, juste avant le point de rupture avec la folie, sont autopsiés avec doigté ; les déviances sexuelles, la paranoïa, les personnalités limites, les traumatismes de l’enfance et les psychoses de toutes sortes. Le sujet de la mort est placé sous la loupe d’une analyse poussée qui met en premier plan cette autre réalité de laquelle certains individus reviennent ou non : le coma. Et puis avant tout, on y parle des effets irréversibles des avancées médicales, de l’aveuglement de notre société vis-à-vis les fautes qu’elle commet et de déresponsabilisation...

 

« Je suis schizophrène, et moi aussi. » - Carl Jung

 

Un deuxième rendez-vous 100% réussit en compagnie de Martin Michaud, quand la folie côtoie le désir de vengeance…

 

Les autres thrillers signés Victor Lessard :

 

-La chorale du diable, 2011

-Je me souviens, 2012

-Violence à l’origine, 2014

 

Parce que c'est l'année du Québec chez mon sweet manU :D

Il ne faut pas parler dans l'ascenseur - Martin Michaud
30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 00:59

Nu

Nu

« De la littérature érotique. Assumée. Celle qui donne chaud dans le ventre, qui fait rougir d’excitation. Du sexe, des pulsions, de l’émotion. Voilà ce à quoi se sont attelés seize auteurs de talent : des histoires pour adultes consentants où le plaisir des sens n’exclut pas l’élégance. Des histoires de tentations, de désirs qui nous font basculer. Ce moment où l’on se dit « je ne devrais pas, mais… »

 

Attention…!!!

 

Il fait chaud, partez la clim, 16 auteurs se mettent à Nu!...

 

Miléna Babin, Charles Bolduc, Sophie Bienvenu, Roxanne Bouchard, Guillaume Corbeil, Stéphane Dompierre, Geneviève Jannelle, Véronique Marcotte, Isabelle Massé, Eza Paventi, Nancy B. Pilon, Marie Hélène Poitras, Patrick Senécal, Matthieu Simard, Chloé Varin et Guillaume Vigneault.

 

100% québécoises, 200% érotiques, ces 16 nouvelles de Nu vous feront rougir de plaisir…

 

C’est sous la direction de Stéphane Dompierre que 16 auteurs québécois se sont rassemblés sous un thème commun, la nouvelle érotique, avec comme seule consigne d’écrire une nouvelle « saine », donc exit les pratiques déviantes ou torturées. Chacun y est allé de son style pour pimenter son histoire aux saveurs d’érotisme et, sans vouloir jouer sur les mots, on pourrait même dire qu’il y en a pour toutes les sauces. Il ne serait pas faux non plus d’affirmer qu’elles laissent en bouche un p’tit goût de r’venez-y! …  

 

En entrevue à Radio-Canada, Stéphane Dompierre rappelle à quel point nous vivons dans une société d’images, de telle sorte que le « retour aux mots est un bel exercice à la fois pour l'écrivain et pour le lecteur ». Je suis d’accord avec lui, lire est une expérience divinement sensorielle qui met en éveil tous les sens, par transposition du regard à l’imaginaire des sons, des odeurs, des goûts ou du toucher. D’ailleurs, dans la littérature érotique, ne sont-ils pas décuplés puisque les mots deviennent images et renvoient à notre propre expérience du plaisir?

 

« Ce type de littérature répond à une nécessité : en lisant de la littérature érotique, on se réapproprie les images au lieu de se faire imposer des modèles sexuels dans lesquels on ne se retrouve pas forcément. »

 

Et si je vous disais que ces 16 nouvelles parlent… de passions, de désirs, d’amour, d’orgasmes, de caresses, de baisers, de touchers, de frissons, de pulsations, de vagues d’émotions, de délicatesses, d’abandon, de vulnérabilités, d’amour à deux ou trip à trois, en solitaire, de points G, bouton déluge, de silences, de soupirs, de gémissements, de titillements de majeurs en musique de chambre, d’envolées, de flottements, de quelques frottements, de sirop d’érable, de vertiges de nuits ou de bon matin, de lits défaits et de lieux insolites…...... vous seriez tentés de les lire?

 

Enfin, rien que pour vous mettre l’eau à la bouche, voici quelques extraits. Coup de cœur à la nouvelle de Charles Bolduc, « Un glaçon entre les dents » et mention d’honneur à sa « mouille marine ». Des mots sensuels et poétiques, avec des métaphores érotiques à vous sucrer le bec! L’histoire se déroule à Montréal, un soir d’hiver où la nature se déchaîne. Nuit de tempête, la grêle fait rage, panne d’électricité, l’appart est éclairé à la chandelle. Une série de coups à votre porte. Vous ouvrez et découvrez Sophie. Femme féline…

 

« Nous goûtons l’aurore des corps à corps et le fourmillement des fins du monde silencieuses. Elle s’assoie sur mon visage et me barbouille de sa mouille marine, radieuse, sans arrière-pensée, ensoleillée au cœur de la nuit chavirante ».

 

« …lui arracher ses vêtements pour me coller contre son corps nu et chaud, la bouche refermée sur ses seins parfaits, caresser ses cuisses nerveuses et frissonnantes et foutre ma langue dans les replis de sa fente humide »

 

« Elle s’appelle Sophie et engouffre mon sexe dans les profondeurs de sa bouche océane ».

 

Guillaume Corbeil

 

 « Elle déboutonne sa blouse, passe sa main dans l’ouverture et commence à caresser un de ses seins. Son autre main glisse le long de son corps, puis s’attarde un instant sur le bas de son ventre avant de disparaître dans l’obscurité. Elle ouvre la bouche et y fait pénétrer son majeur. La pointe de sa langue le caresse, puis ses lèvres se resserrent autour de son doigt avant que celui-ci retourne dans l’ombre. Un spasme de jouissance parcourt son corps et je voudrais la voir entière dans ce moment de grâce »

 

« L’équilibre lumière et obscurité devient alors parfait et mes yeux ne peuvent plus quitter le spectacle de son majeur, qui s’agite entre ses lèvres »

 

J’en vois déjà d’ici qui sont à leur ordi en train de vérifier s’il reste un exemplaire chez le libraire du coin... ^^

 

Pour entendre une entrevue avec Stéphane Dompierre, Roxanne Bouchard et Isabelle Massé, cliquer ICI

 

Nu, 200% érotique, divinement cochon…

Nu
Nu
24 septembre 2015 4 24 /09 /septembre /2015 20:51
S.A.S.H.A. Vol 459 - Martin Michaud

« Le 24 juin, le vol 459 en partance de Paris s’est abîmé en mer. C’est la proposition de laquelle sont partis quatre auteurs québécois de talent pour imaginer des histoires haletantes, touchantes, intrigantes »

 

Voici celle de Martin Michaud

 

Terrés dans une cabane au fin fond des bois, dans la vallée québécoise de la Missisquoi, Elias et le petit Sasha, sept ans, vivent en retrait du monde, solitaires. Ils chassent, pêchent, attisent le feu, les sens en alerte dans une perpétuelle confrontation avec la nature. Là-bas, Elias avait cru qu’avec le petit ils y seraient en sécurité. De qui ou de quoi d’autre aurait-il besoin puisqu’il était la seule personne au monde à le rattacher à la vie?

 

« Ce qui lui donnait l’impression de suffoquer, c’était la perte de sa liberté, l’enracinement que provoquait le fait d’être responsable de la vie de quelqu’un d’autre »

 

Avait-il eu tort? Et merde, quelles étaient ces voix dans sa tête? Arriverait-il à se sortir de son monde intérieur? Pour combien de temps encore pourrait-t-il continuer à lui mentir?

 

« À force de vivre reclus dans les bois, il n’était même plus certain de faire la distinction entre ce qui relevait de la réalité et ce que son imagination lui faisait voir »

 

« Tu n’entends même plus quand je te parle, Elias. Là où tu es, je suis incapable de te rejoindre »

 

Ému par la fragilité et l’innocence de l’enfant, Elias avait réalisé à quel point l’homme avait le pouvoir de changer, sinon le cours de sa vie, du moins ses motivations. Il ne s’était jamais douté que Sasha pouvait le ramener à sa propre douleur, à son père et à l’héritage qu’il lui avait transmis. Et qu’il pourrait le transmettre à son tour, lui apprendre le monde, lui enseigner la vie. Mais tout ça, c’était bien avant l’incendie qui les força à fuir. Compte à rebours, retraverser la Missisquoi en sens inverse à travers un froid mordant, de la neige jusqu’aux cuisses, les yeux cernés, injectés de sang, une barbe de plusieurs jours et des engelures. Tous ces vêtements défraîchis qui sentent la fumée. Une odeur de souvenirs imprégnés à la chair, celle d’une cabane abandonnée au fin fond des bois. Tout perdre et se perdre de vue… Est-ce que l’homme est en fuite ou est-ce qu’il fuit un passé qu’il faut taire?

 

« Lorsqu’il s’était endormi, Elias saisissait une bouteille de whisky et se glissait dehors sur la pointe des pieds. Assis près du feu, il observait les flammes danser devant le contour flou des arbres, tendait l’oreille au bruit du bois humide qui sifflait, humait les effluves piquants de la fumée. Et là, dans le ventre de la nuit, il songeait parfois à sa vie d’avant ». 

 

Durant 24 heures, ils vont déambuler dans les couloirs de l’Aéroport Trudeau de Montréal. Et attendre le Vol 459 en provenance de Paris. Je n’en dis pas plus…

 

J’ai dévoré ce petit livre de 135 pages comme une louve affamée! L’intrigue se dévoile au fil de l’eau, avec beaucoup de finesse et de subtilité. L’écriture est directe, sans fioritures. Martin Michaud ne passe pas par quatre chemins, d’ailleurs, ce n’est pas le genre de roman qui se prête aux grandes métaphores poétiques. En revanche, il arrive à nous séduire par la profondeur des réflexions qui émergent de ses écrits. J’ai été touchée par sa façon de nous parler de la perte, du deuil, de l’espoir aussi, de l’héritage affectif qui nous est transmis. De notre part de responsabilité et d’engagement envers ceux que nous aimons et qui dépendent de nous, pour qui nous faisons le choix de nous impliquer émotionnellement, comme le petit Sasha pour Elias. Par le fait même, il aborde la paternité à travers l’espace sauvage et libre d’une nature qui se prête à l’introspection. La force d’un amour peut être si grand qu’il nous transforme à jamais. Il nous amène à concevoir la liberté sous un autre regard, en plus de nous apprendre que nous sommes souvent tout aussi libres en relation avec l’autre qu’avec soi-même, ne serait-ce que par nos incessantes remises en question…    

 

«Mon objectif premier en acceptant d’écrire ce roman était de me mettre en danger. J’avais envie de faire autre chose, d’aller où je vais moins habituellement, donc plus dans l’introspection. Évidemment, on est vite rattrapé par sa nature. Alors oui, il y a un peu de thriller.»

 

«Écrire est un exercice solitaire et ce roman-là ne fait pas exception. Je l’ai écrit seul avec moi-même. Ce qui a été différent par contre, c’est tout ce qui est venu avant: le choix de notre thème, la catastrophe à imaginer et à minuter et tout le travail d’intersection entre certains personnages. C’est là que le véritable travail d’équipe s’est fait. C’est motivant de savoir que trois autres personnes sont en train d’écrire un roman et te poussent dans le derrière pour que tu avances.»

 

Ce « petit » grand livre me fut l’occasion de découvrir un auteur de talent sous une plume à la fois douce et révoltée…

 

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Pour jeter un coup d’œil aux autres romans du Vol 459. Un thème commun et quatre regards :

 

Claudia Larochelle : Les îles Canaries

 

 Pierre Szalowski : Elle était si jolie

 

Aline Apostolska : Fleur de Cerisier

 

S.A.S.H.A. Vol 459 - Martin Michaud
S.A.S.H.A. Vol 459 - Martin Michaud
14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 23:41

fantôme

 

« J’avais rêvé de Fred pour la troisième nuit consécutive. Je m’étais endormie en m’imaginant le bout de son index qui se posait méticuleusement sur chacune de mes vertèbres en attendant que la nuit nous engouffre. Ce rituel s’inscrivait parmi les rares choses capables de venir à bout de mon insomnie. Je me suis étirée les jambes à la recherche de ses chevilles, mais la seule chose contre laquelle je me suis heurtée produisait incontestablement de la testostérone. J’ai entrouvert mon œil droit pour constater l’ampleur des dégâts. BLACK-OUT. »

 

Ce premier roman de l’auteure québécoise Miléna Babin avait déjà tout pour me plaire, rien que parce que l’histoire se déroule à Québec, le lieu de mon enfance. Et beaucoup de mon adolescence... Il m’arrive souvent de faire le trajet, en partant de Montréal, pour la bouffée d’oxygène que cela me procure. Ce 300 km n’a pas de prix. Quand on met les pieds dans la vieille Capitale, où il fait si bon vivre, on ne veut jamais plus partir. Là-bas, j’ai une tonne de souvenirs qui me sont rappelés par l’auteure, d’un bout à l’autre du roman. Rue St-Jean, Cartier, le Cochon Dingue, la Brûlerie St-Rock…

 

Depuis qu’ils sont ados, Maève, Fred et Loïc partagent un appart dans le Vieux Québec. Ils vivent de soirées BBQ, de feux de camp, de nuits à la belle étoile, de quelques joints et de caisses de Chambly, de réveils parsemés de cendres. Ils vivent aussi dans une relation triangulaire ambiguë. Loïc et Maève ont été amoureux, d’ailleurs, Loïc l’est encore beaucoup. Fred, marginale et bohème, fuit aux quatre coins du monde. Ses brefs passages à Québec suffisent à briser l’équilibre du trio déjà fragile. Elle le vit néanmoins avec le détachement propre aux gens incapables de s’enraciner. Trop de confusion, Maève étouffe et se prend un trois et demie. Loïc, à qui elle donne la clé, fait intrusion à toutes heures de la nuit. Quand ça lui chante, quand il a envie d’elle. Il entre et sort de sa vie à l’improviste, intrusif, manipulateur. Le gars qui ne sait jamais de quoi est fait demain. Une amitié qui dérive chaque fois en amour dévastateur. Il est à l’image du héros en droit de fuir, comme celui de Vigneault (le fils) dans Chercher le vent. Bouquin qu’il lui offre, anonymement. Il sait s’y prendre pour la faire craquer, il la connaît du bout des doigts…  

 

Ce roman, c’est l’histoire d’une amitié qui cherche à traverser le temps et les épreuves d’une période de vie, l’adolescence, marquée par la fragilité, les remises en question. C’est une centaine de pages compilées dans un grand album souvenir, Les fleurs de Macadam, remplies de billets de spectacles, de poèmes, de photos et de promesses. C’est l’histoire de trois inséparables, turbulents et fragiles. Inséparables, jusqu’au jour où…

 

…jusqu’au jour où Maève rencontre Max et qu’il lui faille redéfinir la nature du triangle. Vivre loin de ses repères est insécurisant. Mais Max, c’est Max, hum… un gars simple, artiste, zen, quelques tattoos, quelques cicatrices… Il vit au jour le jour et gratte sa Godin Seagull dans un band rock. Il voyage dans une van noire, comme celles propices au road trip. Presqu’aussi idyllique qu’un Westfalia rose! Il a une fille, Kancelle, oui, comme dans Sinbad le marin. Et elle tombe amoureuse. 

 

Quand on accepte une nouvelle vie, on perd nos repères en même temps qu’on tente de faire les deuils inhérents au passé. Peu à peu, les fantômes disparaissent et on se reconstruit. Mais il suffit de fuir un peu trop loin de nous-même pour que les fantômes reviennent, immuables. Ils se « cachent » pas trop loin dans nos souvenirs les plus réconfortants. Ceux qui fument en cachette finissent toujours par se faire prendre. C’est sur cette image de va-et-vient, du présent au passé, que Miléna Babin nous porte à réfléchir. Un roman d’apprentissage sur le sens de la vie. Sur une tonne d’autres choses comme la nostalgie du temps passé, l’insouciance et la soif de liberté. Le dilemme amoureux, les frontières entre l’amitié et l’amour, les amours qui blessent, ceux qui redressent. L’engagement, la trahison, les erreurs…

 

Une lecture tellement agréable, qui fait du bien. Qui n’est pas prétentieuse et qui coule de source. Une lecture qui me rappelle un temps. Et un certain guitariste, un peu beaucoup comme Max… Surtout, c'est le roman d'une jeune auteure bourrée de talents... (zut, j'ai oublié de lui demander si c'était elle sur la page couverture. Si tu passes par ici Miléna...) 

 

« Le reflet que le vin laissait sur ses lèvres m’invitait depuis un moment. À la lueur des réverbères, j’ai retiré mon chandail, que j’ai laissé tomber à mes pieds. Ses doigts ont effleuré mes seins de longues minutes avant qu’il ne me prenne. Sur le tapis du salon, une valse maladroite et libératrice. Sur mon ventre, des gouttelettes de vin blanc renversées par mégarde, sa langue. Au milieu de notre guerre silencieuse, nous avons joui. Moi la première. » 

 

Les mots du Bison, un régal! Fleurs de Macadam et Unibroue  

 

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