Lieu : Vietnam
Lever du soleil : 5h38 | Coucher du soleil : 18h16
Décalage horaire : +11 heures
Météo : 25 degrés C, nuageux
Latitude : 14.0583° N | Longitude : 108.2772° E
Musique : Dang Thai Son plays Chopin - live recital 1985
Un Verre au Comptoir : Un sinh to bien frais
« Depuis tout ce temps je me disais que nous étions nés de la guerre, mais je me trompais, maman. Nous sommes nés de la beauté. Que nul ne nous confonde avec le fruit de la violence-mais cette violence a beau avoir traversé le fruit, elle n'a pas réussi à le gâter. »
Si je t’écris cette lettre, aujourd’hui, c’est avant tout par besoin de mettre en mots notre histoire familiale. J’ai mis du temps à la retracer, mais encore davantage à l’intégrer à ma chair qui porte en elle l’héritage des blessures qui m’ont été transmises. J’ai compris, maman, que les tiennes te venaient d’une mère traumatisée par les bombes ennemies au Vietnam, que grand-mère et toi avez toutes deux été hantées par la guerre et les camps philippins vous retenant en otages avant de migrer dans le Connecticut. Que vous avez fui, avez connu l’horreur, l’indescriptible, l’exil, le déracinement…
Je t’écris cette lettre sachant que tu ne la liras jamais, puisque tu es analphabète, en cela les mots sont un témoignage, écrit avec sincérité, de l’histoire qui me lie à la fois à mes ancêtres et à l’homme que je suis devenu, dans une société me torturant chaque jour par son intolérance.
Si je t’écris cette lettre, c’est pour me libérer et m’éloigner du passé, en venir à comprendre tes poings de jadis sur mon corps d’enfant. Pour saisir ta rage, les douleurs atroces en toi qui te poussaient dans de tels élans de colère et de violence parfois. Et puis, malgré tout, je n’ai jamais pour autant cessé de t’aimer. Ces derniers mots, je te les prononcerai de vive voix…
Si j’écris ce livre, aujourd’hui, c’est avant tout pour témoigner, pour partager, pour mettre des mots sur les maux d’un peuple. J’ai quitté ma terre, un jour, une nuit, mais elle ne me quitte pas. Je suis parti, j’ai Visité d’autres lointaines contrées, mais je reviens toujours à ce Vietnam natal. Dès que je sens l’odeur d’une soupe tonkinoise, je reVis, Vi c’est d’ailleurs mon prénom, Vi comme dans inVisible et aussi un peu comme dans Vie, car après tout il est question de Vivre en dehors de son passé, de ses racines surtout.
Si j’écris un peu de mon histoire, c’est pour te faire découvrir la personne que je suis. Enfouie dans un passé que j’ai fui, je replonge dans les souvenirs, les odeurs de la mémoire. J’entends des rires d’enfants jouant à la marelle dans la ruelle. J’entends des bombes venant s’écraser dans le jardin de ces mêmes enfants. J’entends et je reVis la sombre histoire de mon passé.
Et je respire la chaleur de cette soupe tonkinoise avec ses petits légumes taillés finement. Un mélange de citronnelle et de ciboulette s’échappe de la cuisine itinérante de mon esprit. Je revois ma mère, ma grand-mère, toutes trois attablées, préparant le repas dominical. J’avais huit ans quand la maison a été plongée dans le silence.
« J’écris parce qu’ils m’ont dit de ne jamais commencer une phrase par “parce que”. Mais je n’essayais pas de faire une phrase – j’essayais de me libérer. Parce que la liberté, paraît-il, n’est rien d’autre que la distance entre le chasseur et sa proie. »
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Nos lectures :
« Vi » CLICKER – Kim Thuy
et
« Un bref instant de splendeur » - Ocean Vuong
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Dang Thai Son plays Chopin - live recital 1985
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Merci ma Lili de m’avoir fait découvrir ce livre MAGNIFIQUE <3
Les Escales
Un trip littéraire composé à 4 majeurs
Prochaine escale : le Congo