« Je crois qu’il faut avoir perdu quelque chose pour en connaître la valeur »
Si vous avez envie de voyager dans le Wyoming, Lindsay vous fera sans doute une place à l’arrière de sa vieille Nash des années 50. Si vous êtes chanceux, vous occuperez le siège juste à côté, mais gardez-vous de lui parler, elle entreprend un voyage intérieur. Terminus Redding, Californie, où elle montera à bord du Cascade, un train à haute vitesse qui filera à travers les paysages de l’Ouest « barbouillés » de couleurs, entre Seattle, l’Idaho, le Montana – juste le temps d’apercevoir un troupeau de bisons qui broutent goulûment dans les grandes étendues de terres arides - et Gatchell, un trou perdu du Wyoming profond.
Lindsay est retourné vers ce village où Witt, son ex-mari, a vécu avec une autre en laissant tout tomber. Elle avait besoin de donner un sens à cette rupture en faisant revivre leur histoire. Du jour au lendemain, il avait disparu, même au boulot on le cherchait. Il faut dire qu'il en buvait un coup le Witt dans les dernières semaines, à croire qu'il distillait sa peine dans l'alcool. Quand il revenait de la cabane où il avait écrit quelques lignes destinées à un roman qui ne verrait jamais le jour, il s’enfilait plusieurs rasades de whisky. Il y a fort à parier qu’il s’agissait d’un Wyoming Whiskey. Ou d’un McCarthy’s Oregon, de toute façon, une fois qu’il s’en serait versé quelques-uns dans le gosier il ne ferait même plus la différence. Tiens, ça me rappelle une histoire de whisky, mais j’y viendrai plus tard...
Les rails défilent et Lindsay poursuit sa quête. Entre ses doigts les années se sont faufilées, sablier fuyant laissant sur son passage quelques grains de souvenirs, mais sans plus. À peine le temps d’en retenir l’essentiel. Sur le siège face à elle, un homme est plongé dans la lecture de « Voyage de nuit ». À son contact, les émotions se dénoueront et ses sens prendront vie. Il lui offrira un verre, un doigt de whisky (voilà, je l'adore celle-là...). « Un doigt d’abord », pour un voyage « first class » c’est réussi! Au deuxième verre ils feront l’amour. Quelques minutes volées au temps et aux pensées qui affluent en elle dans un tourbillon sans fin. Retour à la réalité. Flash back : amertume, colère, tristesse... Qu’était-il arrivé à Witt? Pourquoi ce trou perdu de Gatchell? À quoi pouvait bien ressembler cette Alex? Et que s’attend-t-elle à trouver là-bas?
Par la fenêtre, Lindsay jette un regard au loin. Il se heurte au rideau de blizzard (fu.. le blizzard!). Le temps s’est figé, ils devront s’arrêter. Terminus...
...mais le voyage commence à peine...
Une très belle plume que celle de Roy Parvin, portée par des émotions diverses qui nous happent en même temps qu’elles nous plongent tête première dans le voyage intérieur de ses personnages. Il aborde avec délicatesse le deuil, la tristesse, les souvenirs et la solitude. Les paysages sont rendus avec justesse, on les voit, les imagine, on les touche du bout des doigts et les effleure du regard. Ils nous donneraient envie de se fondre à ce décor de neige et d’étendues sauvages, là-même où un Bison sirote un whisky en attendant le prochain train... Merci Bison! ;-)
Fuck le blizzard! :P
La Petite-Fille de Menno est tirée du recueil de nouvelles La Fôret sous la neige...