Il est de ces belles rencontres, comme de celles que l’on doit au hasard, et qui nous font vivre, à l’image des amitiés uniques, des moments forts. J’entre à la librairie de mon quartier, ayant en tête d’en ressortir avec un joli roman graphique qui me ferait du bien, qui serait comme mon doudou du soir. Et mon regard s’est tout de suite posé sur ce livre, pour y revenir sans cesse. Comme je l’ai trouvé belle cette enfant blottie bien au chaud contre les flancs d’un cerf. Ses yeux sont fermés, il veille sur elle.
Guojing nous raconte son enfance. Dans les années 80, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, elle a été profondément affectée par l’isolement et la solitude, que la politique chinoise de l’époque concernant l’enfant unique, avait imposée à une génération d’enfants comme elle, laissés à eux-mêmes. Marquée par cette expérience et inspirée de ce vécu, elle nous dessine les images qui ont coloré son histoire personnelle, sans mots, que par le souffle de son magnifique trait de crayon sépia. Après tout, que serait la force des mots face à la mémoire du temps? Les images se suffisent à elles-mêmes, sans plus de couleurs que celles des souvenirs noirs et blancs, qui s’en font les témoins intimes.
À 6 ans, Guojing monte seule dans un autobus qui la mènera chez sa grand-mère, la mamie adorée qui prend si bien soin d’elle. Chemin faisant, elle s’endort. Au réveil, l’autobus est vide. Elle descend, marche et pleure. Pleure de toutes ses larmes. Ses pas s’impriment dans la neige, repère un peu vague que le vent efface, la petite s’est perdue. C’est alors qu’un monde imaginaire s’ouvre à elle, rassurant et cajoleur. Et que le jouet dans la main de l’enfant prend vie sous la forme d’un cerf qu’elle suivra dans une forêt de rêves, tantôt affolante, tantôt apaisante.
Un pied dans l’eau, des marches vers le ciel. Bondir sur le lit cotonneux des nuages et tomber. Un phoque qui aide à se relever. Une énorme baleine et une pluie d’étoiles. De nouveaux compagnons. Contempler l’horizon qui se couche en prenant l’ami dans ses bras. Le guider. Rire, pleurer et dire au revoir. Se blottir contre les flancs du cerf et rêver. Retrouver sa mère et pouvoir s’endormir…
La richesse graphique de cet album n’est pas sans me rappeler le travail sublime de Shaun Tan. Là où la beauté des émotions nous est communiquée sans le support des mots. Laissant libre cours à nos ressentis, par la force des images intérieures.
Ce livre m’a fait du bien. Il m’a procuré un moment de douceur, féérique, un instant douillet où plus rien n’existe que le silence nécessaire pour s’adonner à rêver...
Simplement magnifique <3
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Acclamé par la critique, "L’enfant seule" (The Only Child) s’est retrouvé, entre autres, sur la liste des plus beaux livres illustrés pour enfants du New York Times en 2015.
« Aujourd’hui, je ne suis plus une enfant et je constate qu’il arrive souvent que l’on se sente perdu. Mais si on cherche un peu, on finit toujours par trouver le chemin qui nous conduira jusqu’à la maison. »
Guojing