Ça faisait une éternité que je n’avais pas autant ri en lisant un livre! J’ai dévoré d’une traite ses quelques dizaines de pages avec le regret d’arriver si vite au dénouement de l’histoire. Ce court roman est inspiré de la pièce de théâtre du même nom, Art, écrite par Yasmina Reza. Elle met en œuvre la symbolique de la toile blanche, de ces fameuses toiles que l’on retrouve dans les plus grands musées d’art contemporain au monde. Celle qui nous concerne ici fait environ un mètre soixante par un mètre vingt, blanche. Bon ok, il y a quelques lignes transversales… blanches… peut-être aussi quelques fines rayures… blanches… en gros, l’œuvre est monochrome, et Serge vient de l’acheter pour deux cent mille francs. S’installe entre lui, Marc et Yvan, ses amis de longue date, un dialogue à l’humour cinglant.
Serge : Tu n’es pas bien là. Regarde-le d’ici. Tu aperçois les lignes?
Marc : Comment s’appelle le…
Serge : Peintre. Antrios.
Marc : Connu?
Serge : Très. Très!
Marc : Serge, tu n’as pas acheté ce tableau deux cent mille francs?
Serge : Mais mon vieux, c’est le prix. C’est un ANTRIOS!
Marc : Tu n’as pas acheté ce tableau deux cent mille francs!
Serge : J’étais sûr que tu passerais à côté…
Marc : Tu as acheté cette MERDE deux cent mille francs?
Serge (se dit à lui-même) : « Mon ami Marc fait partie de ces intellectuels nouveaux qui, non contents d’être ennemis de la modernité, en tirent une vanité incompréhensible »
Serge, l’acquéreur de l’œuvre, est plein de fric. Médecin spécialiste, c’est le genre de gars plutôt snob, limite prétentieux et sûr de lui-même, pour ne pas dire imbu. Fier de son achat, il compte partager sa joie avec Marc et Yvan. Le problème c’est que Marc, en parfait cartésien rigide et méprisant, est complètement désintéressé par l’art moderne. Plus que déstabilisé par l’achat de Serge, qu’il qualifie de « merde blanche », il n’arrive pas à comprendre qu’il s’y intéresse, plus encore, il s’inquiète pour lui, y voit quelque chose de « grave » chez son vieux copain. Il croit même qu’il devrait aller consulter un psy. En sortant de chez lui, pour l’aider à diminuer son anxiété, il doit prendre des granules de Gelsémium… Serge n’en reste pas là, il reproche à Marc sa suffisance, son ignorance, son manque de tact, sa condescendance…
Marc : « Que Serge ait acheté ce tableau me dépasse, m’inquiète et provoque en moi une angoisse indéfinie. »
Yvan joue le rôle de médiateur. Lui, c’est le gars nerveux et anxieux, qui fuit les conflits. Contrairement à Marc, il ressent une certaine « vibration » devant le tableau. Il est touché par les couleurs et croit que derrière chaque œuvre il y a un « parcours intérieur », une recherche de sens. Marc est scandalisé... vous êtes cinglés ou quoi!!!???
Marc : « Bien sûr. On ne peut pas détester l’invisible, on ne déteste pas le RIEN! »
C’est drôle, l’humour est absurde et les dialogues à mourir de RIRE! Certain qu’on m’a entendue dans tout le camping cet été! :D