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27 août 2016 6 27 /08 /août /2016 01:47
Gouverneurs de la rosée - Jacques Roumain

“Gouverneurs de la rosée est le plus beau roman d’amour que j’ai lu… »  

Dany Laferrière

 

Il y a des livres avec lesquels on tombe littéralement en amour dès les premières pages. Gouverneurs de la rosée est de ces romans que l’on oublie jamais…

 

« Toutes ces années passées, j’étais comme une souche arrachée, dans le courant de la grand’rivière ; j’ai dérivé dans les pays étrangers ; j’ai vu la misère face à face ; je me suis débattu avec l’existence jusqu’à retrouver le chemin de ma terre et c’est pour toujours. »

 

Après plusieurs années d’exil, Manuel est de retour vers l’Haïti de son enfance. Il revient des champs de canne à sucre de Cuba où il a trimé dur du matin au soir. Il pourrait lui prendre l’envie de pleurer tant le spectacle qui s’offre à ses yeux est désolant : Fonds-Rouge, sa terre natale, est en train de mourir. Calcinés sous la chaleur de la Savane, les arbres sont morts, morts de soif. Le canal est à sec et tout dépérit, les bêtes comme les plantes. Il n’y a plus rien à se mettre sous la dent, ni de riz-soleil, ni de pois-congo, pas même une goutte d’eau. Le grand mal s’est emparé du village et par-dessus tout, la main de l’homme a tout déboisé…   

 

« Tu as beau prendre des chemins de traverse, faire un long détour, la vie c’est un retour continuel. »

 

Les habitants sont amers. Le serait-on à moins? À bout de nerfs, les enfants pleurent et les mères ont peur – elles ont peur pour eux. Toute cette haine, ces bavardages, ces querelles et vengeances engendrés par la misère. Mais ils ont la foi, c’est ce qui les maintient en vie. Les hounsi s’adonnent des nuits entières à des prières et rites vaudous, sacrifiant une bête en dansant sous les étoiles. Quelques uns trouvent une consolation salvatrice, bien qu’éphémère, dans les bouteilles de clairin haïtien, une eau-de-vie à 60% d’alcool. De quoi noyer, pour au moins quelques heures, la peur du lendemain.

 

“Le malheur bouleverse comme la bile, ça remonte à la bouche et alors les paroles sont amères. »

 

Alors Manuel s’est mis à chercher l’eau. Au-delà du courage, il avait trouvé l’amour dans le regard complice d’Anaïse. Un amour infini, fait de confiance et de rêves communs. Celui qui vous mène à franchir n’importe quels obstacles et dont les pires sécheresses n’arriveront jamais à faire mourir la soif de vivre. C’est ainsi qu’un jour il aperçut les malangas. Puis l’eau s’était mise à monter. Menant Anaïse au secret de la source, il lui fit l’amour pour la première fois, « et la rumeur de l’eau était entrée en elle »…  

 

« Elle ferma les yeux et il la renversa. Elle était étendue sur la terre et la rumeur profonde de l’eau charriait en elle une voix qui était le tumulte de son sang. Elle ne se défendit pas. Sa main si lourde lui arrachait une douceur intolérable, je vais mourir. Son corps nu brûlait. Il desserra ses genoux et elle s’ouvrit à lui. Il entra en elle, une présence déchirante, et elle eut un gémissement blessé, non, ne me laisse pas ou je meurs. Son corps allait à la rencontre du sien dans une vague fiévreuse ; une angoisse indicible naissait en elle, un délice terrible qui prenait le mouvement de sa chair ; une lamentation haletante monta à sa bouche, et elle se sentit fondre dans la délivrance de ce long sanglot qui la laissa anéantie dans l’étreinte de l’homme. »

 

Il n’y aura désormais qu’une seule façon de faire de la nature qu’elle soit gonflée de pluie. Ne jamais oublier que dans la misère et l’injustice, l’entraide et le pouvoir de la réconciliation triompheront de tout. Et l’amour surtout - avant tout - celui d’Anaïse...  

 

Le chant du coumbite sera celui de l’eau, des plantes, de la terre, de l’amitié et du courage. Et la mort, « le recommencement de la vie. » 

 

« Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c’est une présence, dans le cœur, ineffaçable, comme une fille qu’on aime : on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystères, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence. »

 

C’est sans aucun doute l’un des plus beaux romans que j’ai eu l’occasion de lire… <3

 

 

*************************

 

Je voudrais remercier Aurore, Samuel et particulièrement Anthony, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger, d’avoir fait en sorte que ce roman se rende jusqu’à moi. Les trois fondateurs de La Kube vous proposent, par l’entremise de librairies sélectionnées, de recevoir, par la poste, un livre finement choisi selon vos envies. Par la même occasion, je tenais à remercier Sarah, de la librairie Terre Des Livres, de m’avoir fait découvrir Gouverneurs de la rosée. Je n’oublierai jamais ce roman, d’une beauté infinie…

 

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commentaires

A
Je suis en train de traduire le roman de Gaël Faye Patit pays ou l'auteur cite un passage du roman de Jacques Roumain. Sachant que le l'oeuvre de Roumain a été jadis traduite en tcheque, je veux respecter cette traduction et retrouver ces lignes pour l'intégrer dans la version tcheque de Petit pays. Il m'y sera tres outil de savoir ou elles se trouvent afin d'éviter de lire le roman complet (ce que je songe d'ailleurs a faire, tellement cela m'a leurré). Il s'agit du passage: Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes.
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N
Malheureusement je n'ai pas la page de référence de cette citation, ce qui me rappelle que je devrais peut-être les noter à l'avenir...<br /> Quel plaisir ce doit être de traduire un aussi beau roman! Quelle chance!
A
Ça fait un petit moment que je compte le lire celui-là alors je t'ai lu en diagonale, mais je retiens ta première phrase et la citation de Dany Laferrière juste avant. Je crois que je vais passer la vitesse supérieure et le mettre en PAL prioritaire !
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N
Quand tu le liras ça me ferait vraiment plaisir que tu reviennes me dire si tu l'as aimé. J'ai été profondément émue par la plume de Jacques Roumain, et puis si Dany Laferrière l'avait aimé, j'étais certaine de ne pas me tromper...<br /> Bonne journée
C
Je ne connaissais pas, je note :) !
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N
Un roman qui fait du bien, par sa douceur et sa poésie de l'amour...
N
Que ce roman semble beau, et poétique. "... la vie c'est un retour continuel"... Je le note! Bises.
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N
C'est si beau, tendre et poétique... que tu l'aimerais ma Nadège... Je t'embrasse
C
Tu en parles divinement bien ma Nadine ! Et puis avec tes mots et un titre pareil moi je suis séduite !<br /> <br /> Un livre pour les gonzesses !!!! pffftttttt ;-)
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N
Trop contente de te revoir ici ma Cristina :-*
L
ou pour des nanas qui boivent des bières à la paille ! :D
L
Un roman d'amour... Beurk, c'est pour les gonzesses ! :)<br /> à moins qu'avec une ou deux bouteilles de clairin, j'y prenne goût et me noie dans l'amouuuurrrr !!
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N
Le majeur a des pouvoirs inestimables.....
L
Après deux bouteilles, je crois bien que seul le majeur est fonctionnel. Mais parfois, ça peut suffir :D
N
Moi j'dis que les romans d'amour c'est fait pour les bisons! Et que même ils adorent!<br /> Après deux bouteilles de clairin à 60% d'alcool, ça m'étonnerait que tu prennes goût à quoi que ce soit ^^
K
Après un tel article, comment résister ?
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N
Il vaut la peine d'être découvert...
V
que d'éloges ! Ne serait-ce pas un brin trop poétique pour moi? il ne me reste qu'à vérifier ! :)
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N
Ce livre est un grand poème, il faut aimer... ;-)
A
Merci beaucoup pour ce bel article ! Avez-vous une envie de lecture en tête pour votre prochaine Kube ? Par ailleurs, les Kubers ont désormais la possibilité de choisir leur libraire :) Je suis sûr que Sarah se fera un plaisir de vous trouver, encore une fois, le livre parfait ! A très vite :)
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N
Merci encore Anthony :D<br /> Pour une prochaine lecture je me tournerai vers l'Afrique ou l'Haïti. Je suis certaine que Sarah saura me trouver une autre perle...<br /> À bientôt
J
Ton avis plus la phrase du beau Dany, je ne peux pas résister. Il va me le falloir !
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N
J'ai hâte d'avoir ton avis! ;-)<br /> Et si même le beau Dany le dit... ^^
L
Ce livre me tente vraiment :)
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N
Il est magnifique, laisses-toi tenter...
A
Me voilà tentée par ce titre. Merci pour la découverte.
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N
Une histoire très belle, qui ne se laisse pas oublier...
L
J'aime beaucoup cette maison d'édition. Et là, je suis vraiment séduite par ta chronique. "Des livres dont on tombe en amour", il est pour moi...
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N
Je ne connaissais pas cette maison d'édition mais c'est certain que j'irai voir leurs autres publications. <br /> Il est pour toi, tu ne peux pas passer à côté Céline... ;-)
M
Il était fait pour toi ce livre, tout à fait le genre d'ambiance que tu aimes et puis si même Dany "the lover" l'a aimé ! ^^<br /> Pour un 1er coup d'essai avec la Kube, c'est un coup de maitre !<br /> Il faudrait peut-être que je lise celui que j'ai reçu moi...
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N
Je suis littéralement tombée en amour avec ce livre qui parle de ce pays que j'aime plus que tout au monde..
M
Ce livre est un bon livre ,un livre appétissant un livre généreux, qui informe les paysans haïtiens comment se réunir comment vivre avec les autres
N
Il ne pouvait pas être mieux choisi, quel flair elle a eu Sarah :-*<br /> Et que dire de celui de Dany............ ^^

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