« À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes. »
C’est ainsi que débute l’histoire…
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« Ce que tu donnes, Momo, c’est à toi pour toujours ; ce que tu gardes, c’est perdu à jamais. »
J’ai toujours aimé ce roman, c’est comme une histoire d’amour que je retrouve chaque fois que j’en ouvre la première page. Il suffit que je me retrouve au cœur des échanges entre Monsieur Ibrahim et le petit Momo pour que je sois bousculée d’émotions tendres. Ce livre est touchant, il est beau, il fait du bien, c’est une vraie caresse pour l’âme. On y voit la vie à travers le regard d’un enfant qui apprend l’amour et l’attachement à l’autre. Je crois qu’on peut tous s’y reconnaître quelque part dans ces personnes qui ont changé le cours de notre vie. Qui nous ont amené à nous questionner juste assez pour que s’ouvre la voie des réponses.
« C’est dingue comme, avec les mêmes mots, on peut avoir des sentiments différents. Quand je disais « papa » à monsieur Ibrahim, j’avais le cœur qui riait. »
Momo est juif, il a onze ans, il vit seul – ou presque – dans un appartement à moitié vide, vide de tout, de chaleur humaine surtout. Il passe ses soirées à se faire engueuler par son père qui le traite de voleur. Ce même père qui s’enferme dans « les murs de sa science », négligeant l’essentiel et se pourrissant la vie avec la nette exactitude à laquelle il arrive à abandonner son fils dans les rues de Paris. Comment un enfant de onze ans arrivera-t-il à cesser d’avoir honte? À se demander ce qui tourne de travers chez lui pour à ce point repousser l’amour des autres? Momo appréhende la vie à travers le regard de son père, avec mépris. C’est le modèle qu’il a reçu…
«-Qu’est-ce que ça veut dire, pour toi, Momo, être juif?
-Ben j’en sais rien. Pour mon père, c’est être déprimé toute la journée. Pour moi… c’est juste un truc qui m’empêche d’être autre chose. »
Monsieur Ibrahim est propriétaire d’une épicerie, on l’appelle « l’Arabe de la rue Juive ». En réalité, il vient du Croissant d’Or, les gens y sont « musulmans », mais ça sonne moins faux qu’ « arabes », vous ne trouvez pas? Ce vieil homme ressemble à un sage, il est calme, posé, il adhère au soufisme, c’est sa façon d’appréhender la vie. Leur route se croise un jour et au fil de leurs échanges Momo renaît. Cet homme chaleureux lui ouvre un regard nouveau sur le monde des adultes. À son contact, il retrouvera le sourire. Il se débarrassera de sa haine et découvrira la liberté. Il comprendra mieux pourquoi son père est parti, son histoire, ses parents morts dans les camps nazis. Il apprendra à faire la différence entre ce qu’il a vécu auprès de son père et le monde tel qu’il est aujourd’hui au côté de Monsieur Ibrahim : « Avec monsieur Ibrahim et les putes, il faisait plus chaud, plus clair. »
« -M’sieur Ibrahim, quand je dis que c’est un truc de gens riches, le sourire, je veux dire que c’est un truc pour les gens heureux.
-Eh bien, c’est là que tu te trompes. C’est sourire, qui rend heureux.
-Mon œil.
-Essaie.
-Mon œil, je dis.
-Tu es poli pourtant, Momo?
-Bien obligé, sinon je reçois des baffes.
-Poli, c’est bien. Aimable, c’est mieux. Essaie de sourire, tu verras. »
Un jour, ils partiront voir la mer et rejoindre ce Croissant d’Or si cher au cœur de Monsieur Ibrahim. Devant ce spectacle, Momo ne pourra s’arrêter de pleurer. Ils s’arrêteront dans un tekke et assisteront à la transe des Soufis. Le vieil homme attendait ce moment depuis longtemps. Sa rencontre avec Momo sera l’occasion de renouer avec ses racines. De lui transmettre un héritage d’amour qui passera à jamais par le souvenir….
« La beauté, Momo, elle est partout. Où que tu tournes les yeux. »
Pour lire le magnifique billet de Nadège