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31 juillet 2013 3 31 /07 /juillet /2013 19:05

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J'ai abordé ce livre avec la curiosité de celle qui visite les ruines d'un pays en cherchant à comprendre l'origine de ses ravages. Nelly Arcan, cette jeune prostituée montréalaise, s'est donnée la mort en 2009, à l'âge de 34 ans. Qu'est-ce qui a amené cette étudiante en littérature à ne plus espérer au point de s'enlever la vie ? J'ai tenté de trouver des réponses à travers ce roman, sans tomber dans le piège de la suranalyse des traumatismes qui l'ont habitée, encore moins dans le voyeurisme. Même si ses mots laissent en nous une empreinte de mal être, son univers n’est pas moins complexe que celui qui évolue en chacun de nous.

 

« Putain » est son premier roman, une autofiction débordante de sentiments noirs résultant de comportements autodestructeurs. Quelques pages à peine suffisent à nous éclairer sur les origines de son mal. Entre une mère, qui passe ses grandes journées à dormir et qu'elle qualifie de « larve » et de « cadavérique », et un père qui chasse les putains, on a vite fait de comprendre que Nelly Arcan n'a pas été entourée de modèles positifs.

 

Les pages de ce roman m'ont aussi révélé sa hantise des femmes et sa misanthropie. Son besoin de plaire et l'image d'un corps qu'elle craint de voir vieillir. C'est d'ailleurs en alliant les mots « femmes » et « féminité » que l'expression de cette crainte est la plus marquée. Un passage du livre : « Je me suis mise à vieillir à toute allure », m'a rappelé Marguerite Duras qui disait dans « L'amant » : «  J'avais à 15 ans le visage de la jouissance et je ne connaissais pas la jouissance. Tout a commencé de cette façon pour moi, par ce visage voyant, exténué… en avance sur le temps… ». Les ressemblances dans leurs écrits sont frappantes. Le style est tout autre, Duras ayant une plume incomparable, beaucoup plus fine et subtile, mais leur vécu comporte un nombre infini de similitudes, notamment celle de faire l'expérience de la sexualité à un âge beaucoup trop précoce. 

 

Pourquoi ne suis-je donc pas arrivée à aller au bout de cette lecture ? Le style est lourd, un immense cri de détresse sans points ni ponctuations. S'ajoute au style un ton vulgaire qui m'a vraiment déplu. N'allez pas croire que je pense nécessaire d'exprimer son mal de vivre dans le but d'obtenir des distinctions de l'Académie française. Je crois seulement que, pour demeurer authentique face à son vécu, il ne soit pas nécessaire de communiquer avec une telle disgrâce. Un minimum de pudeur ajoute sans doute une meilleure crédibilité aux yeux du lecteur. C'est un avis personnel, bien sûr... J'en arrive maintenant à ce qui m'a vraiment percutée : la paradoxalité de son discours. Nelly Arcan aborde dans ses ouvrages des thèmes tels que l'influence de l'image chez la femme, la marchandisation du corps et le suicide. Elle dénonce haut et fort le commerce de la prostitution qu'elle refuse pourtant de quitter. Pour toute réponse, elle dira que « c'est peut-être à cause d'une tendance naturelle que j'ai à me dévêtir et à m'étendre à toute heure ». J’ai franchement été agacée de l’entendre parler de l’image corporelle de la femme, affirmant que les femmes ne se sentent le besoin d’exister qu’à travers le regard des hommes. J’ai beaucoup de difficulté à comprendre que, même avec une conscience aussi aiguë des raisons qui poussent les femmes à devenir des esclaves de leur image (époque axée sur l’image et la minceur), elle n’ait pas réussi à s’en affranchir elle-même. Son roman est à mes yeux un tissu de provocations qu’elle alimente à travers une allure hyper-sexualisée et des propos uniquement centrés sur le sexe. J’ai le sentiment d’avoir perdu mon temps alors qu’une tonne de romans croulent sous mes pieds…

commentaires

M
La première provocation est déjà dans le titre... Un personnage sacrément et tristement tourmenté...<br /> J'aime beaucoup la façon dont tu expliques très clairement les raisons qui font que cette lecture t'a déplu.
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N
<br /> <br /> Tu as tellement raison, déjà le titre est une provocation. Surtout venant d’une femme<br /> intelligente, pleinement consciente des nuances dans le choix de ses mots. J’étais malgré tout tentée de comprendre son vécu. Mais une lecture, non terminée, a été bien suffisante.<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée p’tite grenouille <br />   <br /> <br /> <br /> <br />
S
Je l'ai chez moi depuis une dizaine d'années. Il m'arrive parfois de le sortir de son étagère, de lire la quatrième de couverture et, immanquablement, je le remets à sa place. Je persiste tout de<br /> même à le garder. Sans doute un jour m'y mettrai-je sans plaisir? Ce sera ma façon de souligner le bref passage de Nelly Arcand en ce bas monde ...
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N
<br /> <br /> Je te comprends tellement ma Sylvie ! Ce livre a<br /> traîné chez moi durant des années aussi. Autant je n’étais pas attirée par l’auteure, autant je voulais comprendre ce qui avait porté cette jeune femme à se suicider. Plusieurs passages m’ont<br /> semblé révélateurs. Ce roman je l’ai plus « analysé » que lu. Déformation professionnelle mdrr<br /> <br /> <br /> <br />

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