Ces battements de coeur sont pour toi ma Lumen, petite soeur d’âme adorée. Pour toutes ces belles années d’amitié et pour les bougies soufflées aujourd’hui…
J’ai acheté ce roman sur un coup de cœur. Et puis, il y avait ce titre si beau, qui suscitait en moi plein de curiosité. Son récit est tout simple, mais il tire sa force de la densité des sentiments qui habitent les personnages. Il rend un hommage respectueux aux souvenirs ancrés en chacun de nous. Aux tournants de la vie, aux expériences que le temps ne guérit pas, mais qu’il réduit à un encombrement tolérable. C’est avant tout l’histoire d’un grand amour.
« Je parle d’un amour qui rend la vue aux aveugles. D’un amour plus fort que la peur. Je parle d’un amour qui insuffle du sens à la vie, qui résiste aux lois naturelles de l’usure, qui nous épanouit, qui ne connaît aucune limite. Je parle du triomphe de l’esprit humain sur l’égoïsme et la mort »
Tin Win et Mi Mi s’aiment de cet amour-là. On pénètre dans leur univers complice avec un infini respect de l’amour et de l’admiration qu’ils se témoignent.
Le monde qui entoure Tin Win disparaîtra peu à peu, jusqu’à voiler ses yeux et lui faire perdre la vue. Il apprendra l’art de sentir les parfums, de reconnaître les sons, les nuances, les voix. Elle sera son plus fidèle regard. À travers elle, il touchera la vie comme un enfant s’émerveille de découvrir le monde qui l’entoure. Mi Mi a les pieds tordus, une difformité génétique. Elle est incapable de marcher. Chaque jour, il la portera sur son dos comme on porte un cadeau. Son odeur lui rappellera celle des pins après la première averse de la saison des pluies. Une odeur de sucre, délicate et fine comme une caresse.
« Je me suis souvent demandé quelle était la source de sa beauté, de son éclat. Ce n’est ni la taille du nez, ni la couleur de la peau, ni la forme des lèvres ou des yeux qui rendent quelqu’un laid ou beau. Ce qui rend beau c’est l’amour »
En petit orphelin, Tin Win a grandi bien trop vite. Un jour, alors qu’il avait 10 ans, sa mère lui a dit de l’attendre là, dehors, sur une souche de pin. Il y est resté durant quatre jours, elle n’est jamais revenue. Comme lectrice, j’ai parcouru certaines pages, comme celles marquées par cet épisode, sur la pointe des pieds, avec un pincement au cœur.
Mais quel beau roman, on dirait un murmure. Un chuchotement intime de mots qui s’insinuent en nous et qui nous font poser les amarres, le temps d’un questionnement, d’un regard intérieur. Nous aimons tous selon l’image que l’on se fait de l’amour. Mais jusqu’où serions-nous capables d’aller pour le retrouver? Au prix de quels renoncements? La véritable essence des choses n’est pas visible à l’œil et pourtant, on se laisse éblouir jusqu’à l’aveuglement.
« Comment leur expliquer que ce que tu représentes pour moi, ce que tu me donnes ne dépend nullement de l’endroit du monde où tu te trouves? Qu’il est inutile de sentir la main de l’autre pour savoir qu’il y a contact? Quelle vie morne et monotone mènent ceux qui ont besoin de mots, qui ont besoin de toucher, de voir ou d’entendre l’autre rien que pour le sentir proche »
Oui, quel beau roman, on dirait un bruissement. Un effleurement intime de mots qui nous rappellent la force de l’amitié. Celle qui accompagne les blessures de l’abandon, du deuil, et celle qui naît des solitudes de l’âme. Et de tous ces sentiments qui traversent les hommes, de la peur à la méfiance, de la haine à l’envie, de la joie au doute…
Jan-Philipp Sendker signe de ces simples battements de coeur son premier roman, qui a eu l’art de m’émouvoir. L’art d’écouter les battements de cœur, une pulsation d’émotions à fleur de peau.