« Tous les crève-cœurs de l’enfance sont des douleurs saignantes qui se referment et laissent des cicatrices. La sagesse n’est rien d‘autre qu’un réseau de stigmates.»
Catherine et Angélique se retrouvent en Haute-Saône afin de vider la maison de leurs grands-parents, à qui elles étaient confiées chaque été. Les sœurs y ont ancré des souvenirs que le temps ne pourra effacer, pas même les vents violents qui ont ce pouvoir de balayer les côtes. Pour Catherine, ils porteront à jamais une cruelle odeur de souffrances, de celles propres aux secrets les plus inavouables. Elles sont là, enroulées dans des sacs de couchage, témoins des années qui se sont écoulées. Ce lieu renvoie, en saccades douloureuses, les échos encore tenaces de ses cachettes, du placard à sucreries, du grenier et de ses charpentes, là-même où il faisait bon se retirer, à l’abri du monde.
« Je n’y laissais rien, sinon de la poussière, du silence, du vieux foin, l’odeur de cet été, emprisonnée, la chaleur, les souvenirs de ma solitude. »
Catherine nous raconte son adolescence à travers un récit touchant qui laisse forcément des traces dans l’âme du lecteur. Que l’on s’identifie ou non à son histoire, il y aura toujours quelque part des traces universelles de séquelles adolescentes qui traverseront les âges et les époques, certains y échappant plus facilement que d’autres. Femme encore aujourd’hui fragile mais incassable, forte de son vécu, elle est demeurée solitaire, à l’image des personnages mélancoliques du « Grand Meaulnes » d’Alain Fournier. Le pas mal assuré mais la démarche courageuse.
Tout a basculé l’été de ses 16 ans. C’était un été chaud. Les gamins de la colonie de vacances avaient pris l’habitude de venir se rafraîchir à la piscine municipale où les deux sœurs se trouvaient chaque jour. C’était à l’âge des amitiés éternelles et des histoires d’amour. Des moqueries, du manque d’assurance, des complexes aussi, du corps qui se métamorphose, de nos timidités, des musiques du coeur et des grands bouleversements qui nous jettent sur le chemin de la vie.
« Il fallait se débrouiller dans une mer d’incertitude. Je m’étais jetée à l’eau, très loin, directement en pleine mer, sans avoir jamais appris à nager. »
C’était la perte de l’innocence, des yeux qui brillent dans la nuit, la caresse de ses mains, sa peau chaude, son odeur musquée et son sexe qui émerge d’un short trop serré, désireux, tendu vers l’autre, encore malhabile. Étrange mélange de douleur et de plaisir. C’était à l’âge des découvertes et des premiers gémissements à deux. Des jouissances qui libèrent nos corps chargés de désir. L’impression que le temps s’est suspendu. C’est arrivé comme ça, au bord d’une rivière, au milieu d’un champ, entouré d’herbes hautes. C’est même arrivé un peu trop vite, sans qu’on pense à se protéger. Et ça restera notre secret, de remords et de honte, jusqu’à la nuit des temps.
« La vraie découverte, ce n’est pas le sexe de l’autre, c’est le sien. Comprendre tout à coup dans une sorte de révélation à quoi ça sert, jusqu’où ça va, pourquoi c’est mou, pourquoi c’est creux, pourquoi c’est mouillé. C’est comme découvrir une nouvelle pièce dans la maison où on habite depuis toujours. »
C’était « Le Premier Été ». L’été de nos 16 ans. Et si les années ont passées, les souvenirs ont laissé des traces ineffables qui font encore mal aujourd’hui...
Merci à mon complice manU pour ce très beau cadeau riche en émotions. Je viens de découvrir une auteure vers qui je reviendrai, c’est certain :-*
Venez lire ses billets Sous la vague et Ma mère, le crabe et moi
Merci à Anne Percin d’avoir écrit un roman aussi fort qui m’a ramenée vers des souvenirs aussi précieux que fragiles.
Sous la vague, les avis de Nadège, Jérôme et Noukette
Ma mère, le crabe et moi, les avis de Jérôme et Noukette