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25 juillet 2016 1 25 /07 /juillet /2016 15:19
Falaises - Olivier Adam

« Ici la nuit est profonde et noire comme le monde. »

 

**********

 

« J’ai trente et un ans et ma vie commence. Je n’ai pas d’enfance. »

 

Étretat, chambre 103 de l’Hôtel des Corsaires. L’auteur passe ses nuits sur le balcon ayant vue sur la falaise. Il se souvient avec douleur de l’année de ses onze ans. Sa mère venait de passer six mois en internement psychiatrique. Six mois sans la voir. Et ce jour-là, encore plus douloureux, ce moment inquiet de la revoir, de la ramener à la maison, petite femme fragile dans un corps sans vie. Quand de la fenêtre de la voiture il la vit s’avancer, lasse, une cigarette à la main et le regard absent. Et que pas même elle ne s’est retournée pour le regarder. Geste d’amour avorté dans un élan d’impuissance. Un trou béant en plein cœur de l’enfance. Puis sa main s’est refermée dans la sienne, sans dire un mot. L’auteur se souvient…

 

« Des années qui précèdent la mort de la mère, je ne garde qu’un flot brumeux d’images qui pour la plupart sentent la pluie et la terre mouillée. »

 

Il se souvient de ce jour-là, quand la voiture a roulé vers Étretat. Avec son père et son frère, ils voulaient lui offrir la fraîcheur des embruns salés, la mer à perte de vue, l’immensité de la falaise qui la surplombe ; un phare dans la nuit de sa quête. Mais elle est restée dans sa chambre… lire un peu, dormir beaucoup. Jusqu’à la troisième nuit où elle s’est levée. Elle a longé la mer jusqu’au pied de la falaise. Là où la muraille de pierre plonge dans le vide absolu. Un pas de plus, un pas de trop. Elle s’est jetée dans le vide, avalée par les eaux. L’auteur se souvient... Comment oublier?

 

« Les falaises se découpent dans le tissu du ciel. J’y contemple des fantômes, des corps chutant dans la lumière. Je me retourne et sur la vitre se reflètent mon visage usé, mes traits tirés, prématurément vieillis. »

 

Comment oublier une enfance vulnérable entre les crises de larmes et les enfermements de sa mère? Ses angoisses, ses dépressions et ses fragilités. Son manque de tendresse et ses silences. Comment oublier l’insécurité et les nuits de solitude? Sinon que les noyer dans une adolescence anesthésiée par les sédatifs. Sa mère, un pas de trop, un pas dans le vide. Et ses pas à lui, marchants aux côtés de son frère, beaucoup plus tard, en dehors du monde, hors du temps. Une complicité comme une bouée de sauvetage. Noyer les heures dans l’alcool, le sexe, quelques lignes de coke. Sans négliger d’oublier ce père dont on se serait bien passé…

 

« Je suis une nuit noire, une bordure de falaise, une vie noyée, avec vue sur le vide et sans vertige. »

 

Avec Falaises, Olivier Adam m’a flanqué une vraie gifle en pleine face. J’ai marché dans les pas de son histoire comme une funambule suspendue à la ligne mince et distendue de son enfance. Témoin du tragique, mais avec le respect des distances qui s’imposent. Son univers est vaste, il a la beauté d’avoir fleuri des épines du mal. Il nous rappelle que de tous deuils l’âme a la force de se relever. Le mal est fait mais la vie est devant. Au-delà des falaises….

 

"J'ai trente-et-un ans et peu importe. Je sais le poids des morts. Et je sais le mauvais sort. Je sais la perte et le saccage, le goût du sang, les années perdues et celles qui coulent entre les doigts. Je connais la profondeur des sables, j'en ai éprouvé la résistance, la matière meuble, équivoque. Je sais que rien n'est fiable, que tout se défait, se fissure et se brise, que tout fane et que tout meurt. La vie abîme les vivants et personne, jamais, ne recolle les morceaux, ni ne les ramasse."

 

L'avis grenouillesque

 

Et les Bisonnesques : Je vais bien, ne t'en fais pas - Des vents contraires - Peine perdue - À l'ouest

Falaises - Olivier Adam

commentaires

L
J'ai fini ma bouteille de whisky, tourné la dernière page et n'est pas succombé à l'appel des falaises, contrairement à l'appel de l'auteur. Olivier Adam, je l'adore, il sait tant mettre en scène le mal-être des hommes, et des ados. Il est sombre. Mais ce côté obscur ne m'effraie pas tant j'ai adoré ces falaises. Un grand roman. Sans vertige mais avec des embruns qui te fouettent le visage. Penser à racheter une bouteille de whisky.
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N
J’me doutais bien que t’allais pas perdre pieds au bord des falaises, les majeurs en équilibre au-dessus du vide, tu n’pouvais pas tomber! ^^ <br /> Maudit qu’il me touche ce Olivier Adam avec ses noirceurs, le mal-être des hommes comme tu dis qu’il nous écrit venu directement de ses tripes, pour peu on serait tenté de perdre pied et puis on s’y accroche tellement là où il nous entraine est profond, on se sent même déçu à la dernière page de ne pas y être resté plus longtemps. Tabarnak qu’il est fort! <br /> Si tu n’fais pas le plein de whisky Bison j’vais commencer à m’inquiéter………. Grave! :D))
G
je crois bien que ce fut le dernier roman de cet auteur que j'ai lu à sa sortie il y a 11 ans. J'en gare un beau souvenir. Mais envie de légèreté après lecture...
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N
J'ai aussi ressenti ce besoin de légèreté après ma lecture, et en même temps, une envie d'y revenir assez vite. J'ai adoré la profondeur de la plume d'Olivier Adam, crue et authentique, sans fard. <br /> Bisous Guillome, bon weekend dans l'Avenue
L
J'ai adoré ce roman, j'aime beaucoup cet auteur.<br /> Tu as vraiment les mots juste pour parler du récit. Merci...
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N
Oh tu l'as lu! Je suis contente que tu l'aies aimé toi aussi. Je ne trouve pas ton billet sur ton blog, si jamais tu en as fait un, tu pourras venir rajouter le lien ici. J'adorerais le rajouter à ma critique. Merci pour tous tes beaux commentaires...
N
Ton billet est très beau, tes mots sont si justes. Je connais Etretat, je connais ses falaises, vertigineuses et abruptes. Je lirai sûrement ce roman. Je n'ai encore jamais lu Olivier Adam, mais j'ai vu le film adapté de Je vais bien, ne t'en fais pas, un film intense que je n'oublierai pas. Je t'embrasse.
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N
Ma belle Nadège, je ne peux qu'imaginer le plaisir décuplé à lire ce roman quand on connait Étretat et ses falaises.<br /> Je vais esssayer de me trouver ce film, c'est certain...<br /> Je t'embrasse, gros becs
J
Je n'ai lu que ses romans jeunesse. Sa production "adultes" a l'air tellement sombre que je n'ai pas encore osé m'y frotter.
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N
À mes yeux c'est là toute sa richesse, il est dans le "vrai", le "brut"...
L
Un auteur que j'apprécie tout particulier. D'ailleurs deux futurs billets complèteront ma collection. Car entre Olivier Adam et moi, ça le fait grave, il me donne toujours envie de sortir ma bouteille de whisky. Car on ne peut lire Olivier Adam qu'avec une bouteille de whisky (et pas un verre de lait, n'est ce pas petit animal vert sautillant).<br /> Je n'ai pas encore lu ces falaises, la bouquin doit trainer chez moi, si je ne me trompe pas, mais nul doute qu'il sera à l'origine d'une nouvelle descente de whisky.
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N
Cet auteur c’est ma découverte de l’année! Entre Olivier Adam et moi ça le fait grave aussi, moi il me donne envie de bouffer cru le ver au fond de la mezcal. Son parcours de vie me touche énormément, et encore plus sa dignité à le raconter. Il faut que je retourne bientôt vers lui…
M
Une lecture qui ne m'avait pas vraiment transporté mais je retenterai cet auteur...<br /> <br /> "Le mal est fait mais la vie est devant. Au-delà des falaises…."<br /> C'est tellement bien dit ! ;)
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N
Ce qui m’a le plus émue c’est son courage d’avoir trouvé les mots pour raconter son histoire avec autant de dignité…<br /> BB mon kinG :-*

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