« Notre destin, à nous et à nos semblables, est d’affronter le monde comme les orphelins que nous sommes, pourchassant au fil de longues années les ombres de parents évanouis. À cela, il n’est d’autre remède qu’essayer de mener nos missions à leur fin, du mieux que nous le pouvons, car aussi longtemps que nous n’y sommes pas parvenus, la quiétude nous est refusée »
Après Never let me go et Les vestiges du jour, je me suis attaquée à ce magnifique roman. Certains auteurs, comme celui-ci, méritent vraiment d’être découverts dans l’ensemble de leur œuvre. Ses ouvrages ne m’ont pas tous suscité le même intérêt. C’est évidemment une opinion personnelle fondée sur mes valeurs... Mais si j’ai adoré Never let me go, je me suis mortellement ennuyée dans Les vestiges du jour, qui consiste à mon sens en une longue énumération de 350 pages sur les grands salons anglais. Dommage… le film est pourtant excellent…
Christopher Banks, notre héros et narrateur, a vécu sa vie entre Londres et Shanghai. La Chine des années 30 étant soumise à l’invasion massive et destructrice des Japonais, il vécut avec ses parents à l’intérieur des limites strictes d’une concession internationale pour laquelle son père travaillait. Il lui était défendu de pénétrer dans les quartiers chinois de la ville, jugés dangereux. C’est dans cette atmosphère d’ostracisme et d’isolement d’un pays en guerre que l’auteur convie le lecteur à voyager aux côtés de Banks. Ses personnages seront marqués par la solitude. Chacun luttera à sa manière et tentera de survivre.
Mais la trame principale du roman n’est pas qu’associée à la guerre, même si elle constitue le fond historique du roman. Elle tourne autour du kidnapping des parents de Christopher, alors qu’il n’a pas atteint l’âge de 10 ans. Se retrouvant seul, il retournera en Angleterre et deviendra détective. Après des années d’enquêtes et d’investigations, il tentera de les retrouver dans une Chine toujours sous la menace des attaques et d’une situation politique complexe.
Outre Christopher, plusieurs personnages sont marquants dans ce livre. À commencer par sa mère, femme forte et déterminée, qui a mené des campagnes contre le commerce de l’Opium en Chine dans les années 30. Elle revendiquera également les actions commises par la « compagnie » - la concession internationale. Et sera éprise d’une compassion pour le malheur des Chinois défavorisés. Il y aura aussi la belle Sarah, femme énigmatique aux valeurs superficielles. Akira, son ami d’enfance japonais. L’oncle Philip, dirigeant une organisation philanthropique se consacrant à améliorer les conditions de vie dans les quartiers chinois. Allié ou ennemi?
Le roman est construit sur fond d’intrigue, sans être un policier. Tant mieux, parce que je n’aime pas le polar et je me serais vite lassée. C’est avant tout l’histoire d’un jeune homme déterminé, qui ira au bout de ses convictions. Le regard innocent de l’enfance est mis en valeur par l’auteur, qui évoque avec sensibilité la nostalgie d’un temps passé. La fidélité dans l'amitié et la force des souvenirs se présentent de manière touchante. Fait intéressant, une histoire de mutation génétique m’a ramenée à Never let me go, pour lequel j’ai eu un coup de foudre. Probablement parce que j’ai été émue par le destin de ces jeunes. Tout autant que je l’ai été par Christopher…
« Je pense que ce ne serait pas un mal si tous les enfants comme toi grandissaient entourés de toutes sortes de nationalités, en empruntant un petit quelque chose à chacune. Alors, peut-être que les hommes seraient moins méchants les uns avec les autres. Il y aurait moins de guerres, pour commencer. Oh, oui! Peut-être qu’un jour on en finira avec tous ces conflits, et ce ne sera pas grâce aux grands hommes d’État, ni aux Églises, ni aux organisations comme celle-ci. Ce sera parce que les gens auront changé. Ils seront plus mélangés ».
Quel plaisir d’avoir partagé cette lecture avec Malika et Claudia Lucia :-)
Malika : http://3bouquins.over-blog.com/
Claudia Lucia : http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2014/07/kazuo-ishiguro-quand-nous-etions.html
Également lu du côté de chez Eeguag il y a quelques années. Pour lire sa critique :
http://eeguab.canalblog.com/archives/2006/10/01/3053183.html