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9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 16:20

Char

L'Isle sur la Sorgue, ville natale de René Char

 

«Le Char de la nuit»

 

Les doigts de sable

 

«L’expérience que la vie dément, celle que le poète préfère»

René Char

 

Doigt de sable évadé d’une prison sur l’autre,

L’homme fuit de sa mère au sablier des heures.

De sa mère à la terre, il est sable et frissons.

 

*

 

Quand ton doigt dessina sur mon dos ton regret,

L’arbre au vent se troubla que le ciel ait tonné,

Vint l’automne annoncé qu’un vague été poursuit.

 

Nous poussions vers le sol, à l’envers des forêts.

L’éclair nous détachait sur le front de la nuit.

 

Les vitres languissaient de jouer sous la pluie

Et le vent essayait son aile à tes cheveux

 

Les volets appelaient à regarder dehors

Le monde où nous passons sans trace de passage

 

Alors nous les fermions et nous volions la vie,

Posions des pas au ciel, empreintes de nuages,

Et ton doigt enlevait le sable de mes yeux

 

Par un éclair exact, vérité sur le mur,

Une ombre sincère de doigts fondus criait

«Je te veux»

 

Tu écrivis d’amour sur mon ventre un adieu.

 

4 mai 2007

 

********************

 

Poète et Muse

 

«La poésie me volera ma mort»

René Char

 

Le jour encense l’air qui patiente au jardin

Sur le pas de ta porte où je serai demain

Si l’amour me déporte.

 

Marin privé de port, tu navigues ta rime

Au bonheur de son corps et tu jettes ton encre

Au profond de son puits.

 

Il pleut comme un dimanche

Et mes mots sur tes hanches font leur sel du silence.

 

Une vérité droite a montré le chemin

Mais des pensées étroites ont ralenti nos pas.

 

Poète n’écris pas si tu n’es que de mots,

C’est ta chair que l’on veut pour battre sous nos yeux.

 

Muse inviolée,

Muse imperforée qui se blesse à mes mots,

Je t’aime.

 

Net de vérité mais augmenté du rêve,

Juste matin d’un jour en bord de crépuscule,

Tribuable imposé sur le bonheur en fuite,

Poète, vis tes mots, dis ta vie, nie la mort.

 

5 mai

 

********************

 

Nuits et jours

 

«Le poète ne dit pas la vérité, il la vit ; et la vivant, il devient mensonger. Paradoxe des muses ; justesse du poème»

René Char

 

Nuits et jours s’affrontaient sur le parquet du temps

Nos mains rampaient à leur rencontre en contournant le monde

Le silence effrayé d’une ombre de géant

Disait aux sourds l’amour qui monte

 

Ils eurent peur et firent demi-tour

Debout sur leurs doigts gourds ;

Et depuis, le monde disparu,

Le silence s’est tu.

 

Etoiles

 

O mon corps en morceaux,

Chaque membre une étoile,

Ma lumière sereine est rentrée au berceau.

 

La Lune

 

Incurable silence à l’éternelle empreinte

Et des mots pour le dire à ta lumière feinte,

Comme un morceau de nous qu’une plainte arracha,

Comme un morceau de vous que la Terre cracha.

 

5 mai

 

********************

 

Jour après jour

 

«A chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir»

René Char

 

Il sortit d’un matin une pousse de rêve qui mourut en un jour

Fièvre brève d’amour

 

Nous courûmes guéris et nos routes perdues

Au dédale des rues

Ivres de nos mains

 

Aux bouges immobiles des étoiles ouvertes

Nous entrâmes sereins

 

Dans l’eau pellucide d’un miroir sans tain

Nous nous vîmes unis sur une page blanche

 

Ton silence acquiesça lorsque je pris tes hanches

Pour mourir avant l’heure

Et devancer demain.

 

Du matin sortirait une pousse de rêve à mourir en un jour.

 

6 mai

 

********************

 

Attente

 

«Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir»

René Char

 

Le jour où j’ai croisé ton regard et sa route

Pour les perdre aussitôt aux morphines du doute,

J’ai confié tes élans au carré de lumière

Qui retient l’Ephémère entre les murs d’hier

 

Tu attends ce moment où la chandelle baisse,

Les bouches des prisons s’ouvriront sur la nuit

Enfin libres vivront les mots tenus en laisse

Par un cœur épuisé de patienter sa vie

 

Il y aura un cri et moi seul à l’entendre

Lorsque sur le miroir au soupir de tes lèvres,

Noyé dans la buée de nos dernières fièvres,

Ton souffle m’écrira «je t’aime et viens me prendre!»

 

Et mon âme quittant son enveloppe infâme

Tout doucement viendra se blottir à ton âme.

 

 

Théo

4-7 mai 2007

commentaires

T
Ma chère Nad, que te répondre si ce n'est que tu es celle qui lit le mieux mes petits poèmes,avec une sensibilité et une intelligence -du coeur et de l'esprit- qui me laissent pantois et confus<br /> ...<br /> Je ne sais pas si je pourrai retrouver l'inspiration particulière de ces quelques jours qui doit aussi beaucoup à la magie et à l'intelligence de René Char que j'admire par dessus tout.<br /> Mais si je compare mes petits textes aux tiens (que je ne connais pas tous hélas), ils sont loin d'abriter les mêmes joyaux de mots et d'images, et ne proteste pas ! Je le pense vraiment.<br /> <br /> Gos becs chère Nad<br /> <br /> Théo
Répondre
M
<br /> <br /> Merci... tu me fais tant plaisir avec ces mots-là... Te lire est chaque fois pour moi la découverte d'un nouvel<br /> horizon et j'aime tant m'y fondre...<br /> <br /> <br /> Sinon, («je proteste»)... en dépit de la sincérité que je sens dans tes<br /> mots:::)))<br /> <br /> <br /> Gros bisous cher Théo<br /> <br /> <br /> <br />
N
Théo... tu ne m'avais pas prévenue que j'allais avoir la gorge nouée et les yeux humides... C'est beaucoup plus qu'un poème en cinq parties, c'est une œuvre poétique en soi. Je ne suis jamais au<br /> bout de mes découvertes avec ta plume si belle... J'ai eu le sentiment de lire la genèse d'un amour «nocturne» - référence au titre.<br /> Tu as rédigé ces poèmes en quelques jours, à main levée, sous forme «libre», et je me suis demandée si les images n'en étaient pas plus fortes, plus libres d'exprimer avec justesse le ressenti qui<br /> t'habitait. Elles sont d'une force et d'une densité si exceptionnelles que si elles étaient recueillies sous un écrin de verre, ce dernier éclaterait en mille morceaux d'émotions pures. En plus, la<br /> musicalité est là, bien présente à chaque vers, et je cherche encore à quoi l'attribuer en l'absence de rimes. Il y a une magie dans tout ça, un secret t'appartenant...<br /> J'ai aussi passé un temps précieux à réfléchir à ces mots de René Char que je vais de ce pas déposer sur le blog avec l'autre: «Le poète ne dit pas la vérité, il la vit ; et la vivant, il devient<br /> mensonger. Paradoxe des muses ; justesse du poème»...<br /> L'image des «doigts de sable» est tellement forte et elle l'est à mes yeux d'autant plus qu'elle est accompagnée par la citation. J'ai ressenti une recherche de vérité, de sincérité profonde et<br /> authentique, que l'inconscient peut amener encore plus loin qu'aucun fait ne saurait jamais le faire. Dans «Poète et Muse», j'ai eu la joie de retrouver cette même recherche d'authenticité: «Poète<br /> n’écris pas si tu n’es que de mots, c’est ta chair que l’on veut pour battre sous nos yeux». Puis dans «Nuits et jours»... toujours cette si belle quête de vérité à laquelle l'humain aspire par<br /> toutes les fibres de son âme: «Le poète ne dit pas la vérité, il la vit». «Ton silence acquiesça lorsque je pris tes hanches, pour mourir avant l’heure et devancer demain» est un trésor de «Jour<br /> après jour»... Et cette «Attente», vibrante et passionnée, du désir qui jamais ne quitte l'âme...<br /> Je m'incline... J'ai passé des moments forts avec ces mots-là, très forts... Bisous et bon weekend
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