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22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 01:50
Le soleil des Scorta - Laurent Gaudé

« Rien ne viendra à bout de moi… Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, je tiendrai. Il y a trop longtemps que j’attends… La terre peut siffler et mes cheveux s’enflammer, je suis en route et j’irai jusqu’au bout »

 

Ce roman est une brûlure vive, cette brûlure à laquelle aucun Scorta ne peut échapper. C’est le feu dans lequel ils s’immolent depuis des générations, marchant sur des terres d’Italie aussi arides que l’enfer auquel ils sont condamnés. C’est l’acharnement des rayons qui rendent fous, tout en laissant sur la peau l’empreinte d’une odeur consumée. Mais c’est aussi la lueur vive qui les éclaire les uns les autres dans les épreuves, pour le meilleur et pour le pire. Quand on est un Scorta, rien ne nous sépare, encore moins la blessure du Soleil…

 

Plus qu’une brûlure, ce roman est la quête existentielle d’une famille frappée par la malédiction. Le sang de Luciano Mascalzone coule en eux et souille les générations futures. Il sera de retour à Montepuccio après quinze ans de prison et fera naître le premier de la lignée des Scorta, Rocco Mascalzone-Scorta. Un escroc à l’image des bandits de films italiens qui inspirent la terreur et paradoxalement le respect qui en découle. Qu’il ait tué, violenté, pillé ou saccagé, les gens du village entretiennent à son égard un mélange de crainte, de fierté et de mépris.

 

Plus encore qu’une quête, c’est l’histoire de Giuseppe, Domenico, Carmela, Raffaelle et de tous les autres, enfants et petits-enfants Scorta, vivant dans la misère et soudés dans les épreuves. C’est un bureau de tabac, une vie de sueur et de fumée, leur plus précieux héritage. C’est une mère que ses enfants déterrent de la fosse commune pour l’enterrer là où ils pourront honorer dignement sa dépouille. Mais avant tout, c’est la promesse que les histoires, les secrets, les souvenirs, leurs espoirs et un certain savoir soient racontés aux enfants et qu’ainsi ils se transmettent d’une génération à l’autre. Une part touchante de ce roman… Parce que si les uns sont de malhonnêtes truands endurcis, ils obéissent tout de même à des règles et sont unis par des sentiments nobles comme la peur, la dignité, le courage et la honte...

 

Laurent Gaudé célèbre aussi, dans son magnifique roman, un débordement de saveurs et de gourmandises. Dans l’Italie de Montepuccio, des oliviers à perte de vue se dressent fièrement dans les collines du village. Le vent bouscule les heures. Moules, gnocchis, troccoli à l’encre de seiche, anchois frits, aubergines grillées, grappa, limoncello et alcool de laurier embaument l’air et vous mettent en appétit. Un grand banquet donné en l’honneur de la familia, dans un trabucco typiquement du pays, fait éloge de toute cette abondance qui tranche fièrement avec la pauvreté humaine. Ainsi, il épouse les odeurs et les couleurs aux sensations et ressentis de ses personnages pour les alléger… ou encore les élever dignement?

 

« Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n’y a rien à faire. Nous l’aimons trop, cette terre. Elle n’offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d’entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur, nous l’avons en nous. D’aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleines dents. Il est là, dans les fruits que nous mangeons. Les pêches. Les olives. Les oranges. C’est son parfum. Avec l’huile que nous buvons, il coule dans nos gorges. Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil »

 

Le plus beau roman de Laurent Gaudé que j’ai eu l’occasion de lire…

 

Merci ma chère Nadael de m’avoir accompagnée dans cette lecture

commentaires

P
Je l'ai lu il y a longtemps et je dois dire que je n'en ai pas gardé grand-chose...
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N
Certains livres laissent en nous plus d'empreintes que d'autres...
L
Il parait que c'est son plus beau roman... Mais je crois que je commencerai par découvrir Gaudé sur d'autres univers. Je ne sais pas pourquoi, l'Italie ou le Soleil, mais je préfère découvrir la plume de l'auteur sur ses autres romans. Mais comme, il parait que c'est le plus beau...
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N
Oui oui c’est ça, bien sûr. La Moretti que la belle brune ténébreuse a fait réchauffer entre ses deux seins, enfin, dans son décolleté. « Réchauffer », parce que la bière tablette, il n’y a rien de mieux pour plonger à travers l’âme d’une Italienne chaude et allumée… Rahhhhh (le cri de la bête) :D
L
Pas très fan de la Moretti, quand même. Ou alors il faut la boire face à une mama si brune et si décolletée que mon regard en plongerait dans les tréfonds de son âme (celui de la Moretti, bien sûr)
N
Une Moretti quand même… ^^
N
Même à travers tout le poil???
N
Il est toujours bien de se garder le meilleur pour la fin :D
L
et puis, je préfère boire de la bière que de l'huile d'olive...
L
surtout, je crains les coups de soleil !!
C
Le soleil des Scorta : pour moi aussi c'est le roman de Gaudé que je préfère pour les raisons que tu invoques si bien!
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N
Il est excellent! Bon weekend Claudia
A
J'avais adoré ce livre, comme je le disais à Nadael, mon préféré de l'auteur avec La porte des Enfers (qui est la face noire du Soleil des Scorta) ! et comme vous j'ai trouvé sublime ce banquet simple et riche dans le trabucco au-dessus de la mer ! Comme j'adhère à ce que dit Gaudé quand il parle des plus belles années en parlant des "années de sueur"... Un des plus beaux livres lus ces dernières années avec Le livre des nuits de Sylvie Germain... Bises Nad♥
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N
La porte des enfers est justement celui que j’ai lu juste avant ma relecture du Soleil des Scorta. En plus du débordement de saveurs, dans ce banquet j’ai été touchée par cet hymne à la famille qui se retrouve, soudée par des liens que rien de peut désunir. Tiens, j’irai voir ce qu’est ce livre de Sylvie Germain… Bises Isa ♥
M
Je ne suis toujours pas prêt à lire Gaudé...peut être un jour qui sait...ce livre adulé généralement...
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N
À chaque lecture son moment…;-)
M
Comment ne pas être tenté par ce livre après un tel billet, je te le demande ? <br /> En te lisant, je sens presque la morsure du soleil sur ma peau de grenouille... ;)
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N
Paraît que l’huile d’olive des « Pouilles » il n’y a rien de mieux pour hydrater la peau de Cra« pouilles »… ^^ Crôa Crôa
C
Ton billet sent bon le soleil d'Italie, j'ai même vu passer l'ombre de la Mama i del Padrino !<br /> <br /> Une très belle chronique comme tu sais si bien nous offrir et nous donner l'envie de découvrir !<br /> <br /> Tiens et si j'allais en Italie plutôt ;-)<br /> <br /> Bisous ma jolie tite Nadine XX-
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N
Mamma mia, que ça sentait bon les pastas de la Mama del Padrino!<br /> <br /> En Italie?! Quelle bonne idée ;-) <br /> Et tu pourrais ramener quelques recettes des bonnes vieilles cuisines italiennes qui sentent l’huile d’olive et tout l’amour que les madrés y mettent. <br /> <br /> Bisous sur ton p’tit nez chaud xx
N
Quel beau billet tu as écris là... empli de lumière, de chaleur, de senteurs et d'ombre. Merci infiniment de m'avoir proposée cette lecture commune. Je t'embrasse.
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N
C’était un plaisir de partager ces bonnes odeurs avec toi et de vivre, l’instant d’une lecture, sous les oliviers d’Italie…;-) Je t’embrasse
E
C'est le premier roman de Gaudé que j'aie lu. Depuis quatrev autres livres qui m'ont tous emballé. Bonne journée.
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N
C’est aussi le premier roman de Gaudé que j’ai lu (relecture) et mon premier coup de foudre avec l’auteur...

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